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sophie makhno france dimancheFrance Dimanche - Mars 2007

Elle vient de mourir brusquement à Paris, à 71 ans...

CHARLES DUMONT: Il pleure Sophie, sa fidèle complice

Ensemble, ils avaient été les premiers à fumer - "Ta cigarette après l'amour"

Il pleuvait sur Paris, ce vendredi 9 mars et les amis de Sophie Makhno que l'on enterrait cet après-midi-là, dans le cimetière ancien d'Aulnay-sous-Bois (93), ont attendu plus de trois heures dans le vent et le froid la venue de celle dont la mort, à 71 ans, semblait bien irréelle car si soudaine.
Charles Dumont n'avait pas pu assister à la cérémonie, ne pouvant se dédire d'un double engagement à Rotterdam aux Pays-Bas. Il nous avait reçus chez lui la veille pour évoquer celle qu'il pleure.
«Avec Sophie Makhno, ce n'est pas une collaboratrice de quarante ans que je perds, c'est une parente. Sa mort me rend orphelin. Sur mon agenda à mercredi était écrit, Dîner chez Coste pour nos 40 ans. Bises. Françoise." Nous devions fêter notre complicité en chansons, ce soir-là. Françoise Lo, c'était son nom du temps où elle chantait.» C'était avant leur rencontre, quand Sophie Makhno partageait la vie d'un parfait inconnu, un certain Pierre Perret...

Talents

«Françoise a choisi de prendre le prénom de sa fille, Sophie pour signer tous ses textes, poursuit encore Charles Dumont Écrivain, parolière, journaliste, chanteuse, femme d'affaires, elle avait tous les talents. Je lui dois ma carrière de chanteur. Je suis un angoissé chronique, je doute constamment. Françoise se pointait aux premières avec sa voix calme. Sa seule présence dans la salle me permettait de dépasser cette douleur que provoque le trac.»
Il se souvient de leur première rencontre, dans les années 60, bien avant que Sophie ne recrute Charles Dumont chez CBS où elle était directrice artistique.
«Barbara chantait en vedette à La Tête de l'art, Françoise était sa secrétaire. Elle était très mignonne! Si elle m'avait dit "oui" en ce temps-là... Mais avec Françoise, nous nous sommes toujours dits "vous" et cette distance nous a permis de rester complices pendant quarante ans. Nous nous sommes retrouvés en 1967, place de l'Alma. Nous avons pris un verre ensemble. "Qu'est-ce que vous devenez? Vous ne chantez plus?", m'a-t-elle demandé. "J'écris des musiques de films." Je venais de terminer mon deuxième Tati. CBS m'avait fait enregistrer un disque catastrophique.»

Sermon

«Françoise m'a bousculé d'un : "Vous êtes à côté de vos pompes. Vous devez oublier Piaf quand vous écrivez la musique d'une chanson. Tenez : voici un texte que j'ai écrit, faites la musique en ne pensant qu'à vous." C'était Ta cigarette après l'amour. Depuis, Françoise a écrit les deux tiers de mes chansons, les plus belles, celles que je chante toujours avec le même bonheur. Les chansons de Françoise la feront vivre. Elle a écrit pour tant d'artistes! Elle va continuer de vivre avec tous ceux qui la chanteront. Il n'empêche que c'est un crève-cœur.»
Françoise-Sophie Makhno va manquer à Charles Dumont, particulièrement le 29 avril, au Zénith de Caen.

Elle laisse une fille, Sophie, dont elle parlait avec amour, avec tendresse, regrettant de ne pas la voir assez souvent puisqu'elle vit en Angleterre. Nous lui présentons nos plus sincères condoléances.

Texte : Dominique PRÉHU - Photos : N. DENIZON et J. MARS


La lettre des Amis de Barbara n°29 - Printemps 2007

DISPARITION SOPHIE MAKHNO
auteur, et assistante de Barbara de 1963 à 1966

«Écrire un petit bout d'histoire...» par Bernard Merle

Comme Barbara son aînée de cinq ans, comme tous [ces] passants qu'elle avait ressuscités pour elle le temps d'un texte frémissant, Françoise Lo dite Sophie Makhno s'en est allée. Brusquement, sans crier gare, dans la nuit du 1er au 2 mars. Un malaise lors d'une soirée entre amis, des complications cardiaques, une opération dont elle ne s'est pas réveillée. Et ce vendredi 9 mars, peinant à le croire, nous assistions au cimetière d'Aulnay-sous-Bois aux obsèques de celle qu'en novembre dernier nous applaudissions encore sur la scène du Connétable, à Paris. Sur sa pierre tombale : un flacon de Mitsuko, ce parfum de Guerlain que lui offrit Barbara lorsqu'elle se rencontrèrent, et auquel, sa vie durant, Sophie Makhno resta fidèle.
Une carrière de secrétaire d'artistes, puis de chanteuse jusque dans les années quatre-vingt, et, durant l'hiver 1963, la rencontre avec Barbara dont elle devient l'assistante. Cinq poèmes écrits pour le bonheur d'écrire, transmués sous les doigts de Barbara qui les met en musique, cinq perles rares : Sans bagages, Toi l'homme, Tous les passants, Les mignons et ce Septembre, aujourd'hui plus mélancolique que jamais. Puis une seconde rencontre essentielle dans sa vie d'auteur : Charles Dumont, pour lequel elle écrira plus d'une centaine de titres en quarante ans, et auquel elle redonnera un second souffle après la disparition de Piaf.
En 2002, Sophie Makhno (nom choisi par admiration pour l'anarchiste russe Nestor Makhno), qui durant de longues années avait mis entre parenthèses sa carrière de chanteuse, remonte sur scène, par goût et aussi parce que des jeunes gens «de l'âge de [sa] fille» l'y poussent. Reprise au jeu, elle écrit de nouvelles chansons, pour elle, pour le plaisir de les susurrer, comme autrefois, dans de petites salles confidentielles, auprès d'un public particulièrement attentif. Couplets aux vers tendres et brefs, la griffe Makhno. Je me fous d'avoir vieilli !, ironisait-elle dans son dernier tour de chant. Un titre dont l'humour joyeusement provocateur résumait sa conception hédoniste de l'existence.
L'année suivante elle publiait un livre rare, comme elle, franc et direct, La Barbara que j'ai connue. Accompagné de photos de Barbara prises entre 1964 et 1966 par le photographe Jean-Louis Dumont, il répondait à cette affirmation jamais vraiment élucidée de la chanteuse «Je sais que tu ne m'aimes pas» et s'achevait par celle tout aussi forte de Sophie Makhno : «J'ai oeuvré, en dépit de tout, à l'éclosion de Barbara». Jacques Chirac, par une lettre datée du 17 février 2004, tint lui-même à la féliciter «pour cet hommage pudique à la Dame brune». La Barbara que j'ai connue était aussi le titre d'un texte que Sophie rédigea pour notre première exposition Barbara, en 2001 à Paris, et qui aujourd'hui, agrandi, se promène un peu partout en France au gré de nouvelles présentations.
Comme Barbara dans son enfance, et comme notre ami Valentin, qui très souvent la croisait dans ce quartier, Sophie Makhno résidait depuis de nombreuses années non loin du square des Batignolles, dans le XVIIème arrondissement. Au printemps 2001, Valentin rédige pour notre Lettre des Amis de Barbara n°5 un article saluant l'arrivée de Sophie parmi les membres d'honneur de notre association. Le 9 novembre celle-ci est, avec Alain Wodrascka, auteur de Barbara, n'avoir que sa vérité, et Jean-François Fontana, collectionneur auteur du livret d'accompagnement de l'intégrale 1992, l'invitée d'une rencontre organisée par «Les Amis de Barbara» à la mairie du XVIIème arrondissement. Dans la salle, un auditeur attentif, Claude Serf, le plus jeune frère de Barbara.
Mais en novembre 2002, cinquième anniversaire de la disparition de Barbara, la revue Platine publie sur six pages un long entretien avec Sophie Makhno. Aux questions sans détours de Jean-Pierre Pasqualini, l'auteure des Mignons répond avec abondance et spontanéité. Elle raconte ses trois années vécues auprès de Barbara, brosse un portrait intense de la femme qu'elle a connue, sans en éluder les «difficultés d'être». L'article dérange. Devant ces réactions d'incompréhension, Sophie Makhno choisit de renoncer à son poste de membre d'honneur. Pourtant, précisait-elle, si «l'être humain m'a déçue, jamais l'artiste, ni sur disque, ni sur scène». En 2004, elle ira même jusqu'à écrire dans l'article Personnalité de son site Internet : «Merci à Barbara d'avoir vécu dans l'inconfort et d'avoir offert ses zones d'ombre à tous ceux à qui ses chansons ont tenu lieu de refuge et de réconfort. Merci à tous ceux qui tiennent à conserver leur acuité, voire leur mal de vivre, pour nous en faire des bouquets.»
Le temps a passé. Valentin, comme nombre d'entre nous, a gardé toute son estime et son amitié pour cette femme vraie - l'ancienne petite fille, peut-être, de Sans bagages, «qui cachait ses chagrins dans les jardins perdus», quelque part du côté de la maison natale d'Aulnay-sous-Bois. Celle qui fit dire à Charles Dumont «Une chanson, c'est trois fois rien une chanson» lui aura consacré la part la plus sensible de son activité. Et c'est finalement dans l'histoire de la Chanson, «sans avoir eu le temps d'y croire, pas même le temps d'y songer», que Sophie Makhno vient bel et bien d'entrer.

«Quel joli temps pour se dire au revoir...» par Valentin

9 mars 2007... La nuit comme une trêve fraîche se pose sur Aulnay rendue aux lumières douces des réverbères. Les arbres nus, au long des rues bleu-noir, apaisent, ainsi qu'en une froide et précoce soirée de printemps. Enfin la nuit... Enfin la fin de ce jour morne et glacial, tout rayé de pluie, de soleil et de larmes. C'est aujourd'hui qu'on a mis Sophie Makhno dedans la terre.
À l'issue d'un pareil jour, certains, ne sachant plus que dire, se montrent plus vains que jamais en paroles ; d'autres, lourds de silence, se taisent... ; Proust écrit les pages les plus poignantes du Temps perdu... ; un homme de pouvoir, nostalgique (cela leur arrive) décide que le monde peut bien disparaître...
Et moi... que saurais-je dire d'autre que cette halte, figée, sur le seuil de ma Rue des Dames, soudain conscient que c'est pour toujours que je ne la croiserai plus, là. Sophie passant, comme une "Colette" matinale et songeuse, son petit chien en laisse. Curieuse, attentive, mais le front empli de pensées... Affairée, toujours, mais au tempo lent d'une modération pleine de sagesse. Occupée, toujours, mais avec un air de vacance... Et toujours disponible pour un brin de causette, une confidence, un conseil ou une précipitation citadine impolie qu'elle tançait plaisamment d'un éclat dru d'ironie au coin de son oeil brun. Disponible, malgré la visite programmée à l'imprimeur de la rue Biot, la répétition avec les musiciens, le prochain disque, un article, un départ... Disponible, pour un rire, une moquerie, deux bises dans le matin froid, un verre sur le zinc, un déjeuner à l'Escapade sur le boulevard des Batignolles, une semonce amicale.
Celle qui m'intimidait et s'en amusait, secrètement timide, celle dont le rire semblait dans le même temps châtier et absoudre en moi tout ce qui n'y était pas assez sérieux, assez organisé, assez déterminé, celle qui avait vécu tant de temps magiques, qui me parlait de Barbara - de ce temps où elles furent amies - comme d'une visiteuse palpitante, virevoltante, à la tendresse capricieuse de qui l'on pardonnait - presque - tout... Celle qui m'entretenait du scandale des vins frelatés et des bijoux de cornaline, des beignets de fleurs de courgettes cueillies dans son jardin du Vaucluse et d'une reprise de Septembre en duo avec Charles Dumont, de sa fille Sophie et de tout ce qu'elle aimait, de tout ce qui la révoltait, celle-là s'en est allée comme une amie étourdie qui s'est trompée de porte en vous rendant visite avant de partir en voyage... Absente, tout à coup, l'amie très fidèle dont le départ suffoque brusquement. Puisque c'était bien l'amitié, solide, discrète, de noble extraction qui se révélait, qui se construisait à travers ces mots échangés, ces mots écrits.
Lasse secrètement, l'amie Makhno ? C'est là un des nombreux mystères qu'elle emporte avec elle, fière à son habitude et close à peu près sur une tendresse malmenée qu'elle ne laissait plus ébranler qu'à coup sûr, et à laquelle elle imposait parfois une allure un peu bourrue en guise de fragile rempart. Partie pour toujours comme on sort un instant, laissant la prochaine lettre, le prochain coup de fil, le disque prochain à jamais suspendus. Que la rue des Dames et la rue Truffaut, sans vous, Dame Makhno, me semblent désertées !
Quel adieu sans logique, Sophie, quel coeur lourd, là, au croisement de nos simples chemins quotidiens ! Quel triste chant solitaire d'un oiseau des Batignolles, ce soir... Et quelle banale et vaine colère contre mes timidités, mes atermoiements, mes reculs confrontés à un "plus jamais" qui m'enserre la gorge.
Au chapitre du coeur, de son coeur de femme et de chanteuse et de mère et d'auteur de chansons, qu'il me soit permis de citer sa fille Sophie Lo - sa fille, son amie, sa collaboratrice, sa tendresse, sa fierté, son amour : "Il y a, confiait-elle au milieu de ses larmes sans s'empêcher de sourire de tendresse, il y a Maman qui s'en va, et il y a Sophie Makhno, qui m'emm... ! ". Sa fille encore qui parle avec une rage froide de ce "fonds" magnifique de chansons célébrées autour d'elle, et de la tristesse de sa mère de ne pas parvenir à en vivre... De la reconnaissance souvent tardive, toujours grinçante. Sa fille Sophie qui, en guise d'hommage, jure de garder "vivant" le site Internet de sa mère, Françoise Lo dite Sophie Makhno. Qu'elle soit ici assurée, livrée au pire chagrin, de toujours trouver au sein des "Amis de Barbara" l'écoute attentive à son travail de mémoire, et l'écho de notre infinie tendresse.

Valentin, comédien, concepteur du spectacle "D'un Barbare à l'Autre" longtemps présenté à Paris, au cours duquel il recréait de façon particulièrement saisissante, par la voix et l'apparence physique, Barbara en scène.


sophie makhno je chante
Je Chante! La Revue de la Chanson Francaise
N°29 - Octobre 2003
Une femme qui chante sa liberté

Entre 1967 et 1981, une chanteuse originale s'est fait entendre. Il faut se remettre dans le contexte de la deuxième moitié des années soixante. Deux femmes "auteurs-compositeurs-interprètes" tiennent le haut de l'affiche : Barbara qui met à nu, chanson après chanson, ses fêlures et ses blessures de cœur, et Anne Sylvestre qui, à cette époque, expose ses états d'âme dans des petites fables de plus en plus explicites. De nouvelles venues essayent d'autres voies, par exemple Brigitte Fontaine qui pratique l'humour féroce et la dérision, ou Catherine Ribeiro la révolte… Toutes ces artistes posent, chacune à leur manière, quelques jalons d'un féminisme qui sera d'abord explosif en désignant et en rejetant l'homme comme cause de toutes les infortunes des femmes.
Et Sophie Makhno apparaît. Ce n'est pas une nouvelle venue. Après un premier essai en 1957 comme interprète des premières chansons de Pierre Perret (sous le nom d'emprunt de Françoise Marin), Françoise Lo (son nom à l'état civil) n'avait pas quitté le milieu, mais était restée dans l'ombre, en particulier comme organisatrice de spectacles, puis en s'occupant de Barbara pour laquelle elle avait écrit quelques textes remarqués. Elle fut également auteur pour Charles Dumont, Eva, Colin Verdier.
Ensuite, "directeur artistique" chez CBS, elle fit enregistrer par exemple, Stephan Reggiani, François Béranger, Pauline Julien et bien d'autres. C'est donc chez CBS qu'elle réalise ses premiers disques sous le pseudonyme définitif de Sophie Makhno.

Dès le premier titre, le ton est donné : "Je rêvais d'un homme" ! Les relations compliquées entre les hommes et les femmes formeront le fond de son répertoire et seront chantées, par une femme, enfin ! avec autant de liberté que de lucidité… Et si les hommes ne sont pas toujours épargnés, ils ne seront pas crédités de toutes les responsabilités dans le sort des femmes.
Elle n'oublie pas que les hommes et les femmes doivent, au moins un temps, vivre ensemble, qu'ils se désirent réciproquement, et elle proclame sans fausse honte que les femmes ne peuvent s'en passer. C'est un tout autre ton…
Un autre ton de voix. Une voix juste, sans artifices ni effets, à l'articulation parfaite, parfois légèrement plus sévère ou plus souriante selon les situations, une voix que l'on reconnaît entre mille à la première écoute, une voix dont le détachement convient à merveille à la lucidité des constats qu'elle énoncera dans ses chansons. Une très belle voix qui s'insinue sournoisement dans votre mémoire et y implante ses mélodies et ses textes.
Car si Sophie Makhno est elle-même une mélodiste inspirée, elle sait aussi s'entourer de musiciens prestigieux qu'elle a pu connaître dans les studios d'enregistrement, et qui lui composent de superbes mélodies à la fois travaillées et populaires. On retient tout de suite les musiques de ses chansons : elles tiennent un rôle majeur dans leur réussite.
Quant aux textes qu'elle écrit, ils sont à la fois simples et imagés, remplis de détails accrocheurs et compréhensibles à la première écoute. Toutes ses chansons sont assimilables d'emblée, mais la réécoute permet d'en déceler toute la poésie et les subtilités.
On ne peut s'empêcher de regretter que ses chansons n'aient pas eu plus de diffusion : elles n'auraient pas empiété sur les territoires d'autres chanteuses. Sans doute contenaient-elles des thèmes ou des mots légèrement en avance sur leur temps, mais qui seront couramment chantés dans les années suivantes ! Peut-être dérangeaient-elles un peu à ce moment-là ! Ces thèmes, explorons-les en réécoutant les cent chansons qu'elle a enregistrées elle-même, et qui sont donc celles qu'elle assume pleinement.

L'amour, les hommes, les femmes

Sophie Makhno chante l'amour… Elle imagine un amour qui dure toute une vie partagé avec un homme qui éprouve en retour des sentiments identiques "C'est un événement, par les temps qui courent / De s'aimer encore d'amour ". Un amour fait d'une succession de moments merveilleux dont on profite à plein et d'épisodes plus difficiles que l'on minimise ou que l'on tente d'oublier. Un amour qui vous accompagne doucement au fil des années et s'adapte à l'âge "Ils nous ont laissé des traces / Nos hivers nos printemps ". Un amour fait de confiance et de sérénité. Un amour qui fait de deux personnalités quelconques un assemblage original et fécond. Il y a sur cette idée une magnifique chanson "Ensemble" sur une subtile et ensorceleuse musique de Michel Portal. Elle doit y tenir car c'est l'une des rares qu'elle ait enregistrée deux fois à douze ans d'intervalle. On ne peut résister au plaisir d'en citer une strophe. C'est de l'émotion poétique pure :

"Faire surgir de nos déserts
Une eau qui rejoigne la mer
Et nous ressemble
Laisser se passer les autans
Et sous la violence des vents
Tenir ensemble "

Mais, pas naïve, la chanteuse sait qu'un tel amour est rare et exceptionnel et qu'il est illusoire de penser le trouver dès la première rencontre. C'est pourquoi elle chante aussi les essais et les bilans "Pour compter mes hommes / Compte les bagues à mes doigts ". Cet amour total est tellement enthousiasmant et attirant qu'il faut en permanence être à sa recherche : il se cache peut-être derrière d'innocentes amourettes, derrière des nuits de plaisir partagé "Est-ce un homme pour une nuit / Est-ce un homme pour la vie ", derrière des coups de foudre pour lesquels il faut être disponible "On se trouve, on se sépare, par hasard ", derrière des amitiés "…Sur l'amitié / Et même sur l'amour il avait son idée / Mais une idée si avancée / Qu'il fallait d'abord l'expérimenter ". Ces amours passagères, ouvrant ou non vers le grand amour, sont donc détaillées dans de nombreuses chansons, sur tous les tons, avec toute la palette des nuances entre gravité et humour.

Et parce que cet amour-là ne peut se vivre qu'avec un homme, on aborde là le morceau de choix de l'œuvre de Sophie Makhno : les hommes. Tout un programme. Ils ne sont pas épargnés : immatures, inconscients, paresseux et lâches, mufles et égoïstes, ils sont habillés sur mesure au fil de nombreuses chansons "J'en trouve partout de ces hommes en paille / Dans mon bénitier dans mon lit dans mon bêtisier " ! Mais curieusement, ces reproches, assez courants chez les auteurs un peu féministes, ne sont jamais appuyés, jamais définitifs. Toujours le texte, la musique ou simplement le ton de voix relativise le reproche et le met en perspective avec les responsabilités des femmes. Et au fond, l'homme est considéré avec un regard tendre et indulgent : l'homme est tel qu'il est "T'es pas tout vilain pas tout beau… / Tu n'es qu'un homme un point c'est tout ", mais semble dire la chanteuse, il est indispensable et il faut faire avec, on ne peut s'en passer. A une époque où les féministes pures et dures excluaient les hommes de leur environnement, Sophie Makhno assure qu'elle aime les hommes "Et moi je suis la reine des pommes / Quand j' suis pas dans les bras d'un homme ". Elle ne les absout pas de leurs défauts, mais semble indiquer qu'il leur manque peu de choses pour qu'hommes et femmes puissent vivre ensemble le plaisir et le bonheur de l'amour et de la vie à deux. Et loin de les vouer aux gémonies, elle suggère que c'est à leur portée.

Et elle ajoute que les femmes, du moins celles qu'elle stigmatise, sont loin d'être parfaites : elles n'ont que les hommes qu'elles méritent ! Elle les décrit comme capricieuses, superficielles "Tu me demandes ma main tu es fou de mon corps / Moi je veux une voiture de sport ", trop sensibles, influençables et pas toujours lucides "A chaque fois j'ai tort, je marche, je cours encore / J'arrive pas à penser qu'ils sont bêtes ", même si souvent plus responsables!

Le temps et l'expérience
Le temps et les temps sont aussi des thèmes récurrents dans ses chansons… Le temps qui s'écoule, que l'on perd ou que l'on occupe avec densité, la durée qui permet de consolider l'amour, de retrouver la sérénité après les regrets ou de cicatriser les blessures des ruptures, d'oublier, de relativiser, d'engranger les expériences et les espérances. Le temps de la réflexion et de la méditation "A se laisser vivre au fil du temps / Doucement / On prend la patience des saisons / Qui s'en vont ". Et puis les temps, les différentes phases de la vie qui se succèdent, les moments forts de la passion et les intervalles de solitude difficiles à supporter "La pluie tombe depuis des siècles / J'attendais près de la fenêtre / Quelqu'un qui ne vient pas ", les périodes de calme qui permettent d'apprécier d'autres charmes, ceux de la campagne, de la nature, de la maison, du silence, de la vie simple et tranquille… et de penser à l'ultime étape de la vie, la mort qui est envisagée avec lucidité :

"Je voudrais être sûre d'avoir enfin su dire
Ce qui vit, ce qui meurt, tout ce qui porte un nom
Alors quittant le port comme font les navires
Je pourrai la chanter ma dernière chanson "
La vie et la liberté

Sophie Makhno est une grande amoureuse de la vie et de tout ce qu'elle apporte de positif… Elle aime profondément les gens honnêtes et droits, comme sa grand'mère à qui elle rend un magnifique hommage :

"Toi qui n'a jamais aimé suivre
Le chemin des idées reçues …
Tu as fait ton dernier voyage
Avant que tout tombe en morceaux…
Si je chante aujourd'hui grand'mère
C'est que tu aimais mes chansons "

Elle revendique sa liberté de femme qui se moque des contingences et des obligations. Elle exècre toutes les laideurs de la nature humaine qui pourrissent l'existence : les lâchetés dans la famille ou dans le milieu professionnel "Y a des choses qui se font / Et des choses qui ne se font pas / Dans la société / Pour ne pas passer / Pour un con ", la bêtise, les regards médisants, le fric "Ca me fout le vague à l'âme / L'odeur du pognon ", les injustices, la drogue "La fléchette ou la fumée / C'est largement dépassé… / C'est plus drôle de s'embrasser " ou la guerre "Les tambours et les va-t-en-guerre / Ca ne me donne pas le grand frisson " qui ne résolvent rien. Elle croit au pouvoir des mots et vénère l'écriture "J'aime entendre, réentendre et réapprendre / Ces petites phrases-là " qui autorise justement l'expression de cette liberté, par la poésie, par la gravité, par l'humour dont ses chansons sont en permanence émaillées.

Dans ses chansons, par son écriture poétique diversifiée et par ses musiques pertinentes, Sophie Makhno défend ses idées avec chaque fois un climat différent, un regard toujours renouvelé et toujours original : chacune est un petit bijou qui captive l'attention. Plus de vingt ans après, elle a choisi d'en rééditer une trentaine. C'est l'occasion de découvrir ou de redécouvrir une grande dame de la chanson. Ne manquez pas cette opportunité.

François Bellart (Revue "Je Chante !", N°29, octobre 2003)


La Femme du 20e Siècle

sophie makhno la femme du vingtieme siecleElle n'est qu'une débutante, et pourtant elle connaît la chanson. En effet, avant d'être interprète, elle s'est occupée de la carrière d'Anne Sylvestre et de celle de Barbara. Ces deux illustres devancières peuvent-elles servir de référence a la carrière de Sophie Makhno ? Oui et non. Oui, car Sophie Makhno s'est résolument tournée vers la qualité. Non, puisque Sophie possède sa propre personnalité.
A la première audition, on est surpris par sa voix. Est-ce une femme ou une enfant ? De la première, elle possède la tendresse, un brin de cynisme et un côté légèrement sophistiqué. De la seconde, elle a les accents naïfs et quelques fois cruels. Le mélange des deux personnages apporte du neuf, un neuf qui étonne.
Comme tout ce qui fait preuve d'originalité, la voix de Sophie Makhno est faite pour être réécoutée, alors, on s'habitue et on en redemande. Avec des mots courants, elle parvient à faire preuve de personnalité. En effet, c'est dans sa façon de les grouper, de les associer que Sophie Makhno suggère des images neuves. Les musiques qui accompagnent son texte sont simples, faites pour être retenues. La recherche se situe alors dans les orchestrations avec les sonorités nouvelles ou les arrangements baroques.
Le thème de ses chansons est toujours le même : l'Amour. Rien d'original à cela direz-vous ; pourtant elle le chante comme une femme du vingtième siècle : indépendante et pourtant soumise.
Sophie Makhno nous propose des assemblages qui semblaient presque impossible à réaliser. Elle est celle par qui les contraires s'attirent et parviennent à se ressembler. Pour le prouver elle a choisi un prénom de princesse et un nom d'anarchiste.
Sophie Makhno n'aura pas de « tube », elle aura une carrière.


sophie makhno la croixLA CROIX: Disques de Variétés

Elle s'appelle SOPHIE MAKHNO et chante l'amour sans passion, avec détachement, sur un ton impertinent, parfois cynique, qui n'est jamais sans rappeler celui de Jeanne Moreau. Intelligente comme elle, dure et tendre, un brin sarcastique, se moquant volontiers des autres et d'elle-même, car elle se veut sans illusions, Sophie Makhno ne croit pas aux amours romantiques, aux promesses éternelles. S'il arrive parfois qu'elle s'attendrisse « du coin du cœur », elle semble considérer qu'un tour de cœur c'est bien moins important qu'un tour du monde. « Ça ne vaut pas la peine qu'on s'en fasse un chagrin…Vous aurez d'autres tours de danse, vous connaîtrez d'autres prénoms, je me reprends, reprenez votre vie. »
Indifférence ? Je ne pense pas. Nouvelle manière d'être plutôt et, en cela, ce disque nous a intéressé. Il apparaît comme un témoignage sur une certaine femme 1967, éprise de la liberté la plus totale, pas suffragette pour un sou, certes non, mais farouchement jalouse de son indépendance jusque et surtout dans l'amour. On n'approuvera pas ses options, mais nous devons avouer qu'elle traduit une forme de la sensibilité contemporaine dans une originale recherche de l'expression. Ces « fêlures du petit matin », nous en sommes témoins tous les jours et c'est peut-être là l'essentiel à retenir : Sophie Makhno nous fait prendre conscience par l'acuité de son talent, par ses dons incisifs d'observation et de traduction, du mal de vivre de nombre de nos contemporains. Une excellente chanson, Les Mots, ironique mais tendre en même temps : « En cette fin d'après-midi, tu me racontes hier matin, des mots qui demain parlent d'hier, qui mettent ton été dans mon hiver et ma peine dans ton ciel bleu. » (33 T CBS 63 084.)
P. HAUTTECOEUR

TEMOIGNAGE CHRETIEN: L'Homme devient un partenaire

On se demande quelquefois comment certains hurluberlus de mon espèce peuvent s'intéresser autant à cet art dit « mineur»: la chanson. Ma réponse est le disque de Sophie Makhno.
On entend des fadaises. Les minettes vous agacent. Des prétentieux au verbe haut vous irritent. Vous avez envie de casser votre poste de télévision, de flanquer les disques par la fenêtre, de tout laisser tomber et puis vous recevez un disque comme celui-là. Vous êtes sceptique : sur la pochette vous avez reconnu la photo d'une directrice artistique connue sur la place de Paris ; elle a changé de nom, pas de visage ! Vous posez le disque sur le plateau et vous entendez une douzaine de chansons, sans prétentions, mais d'un ton nouveau.
De quoi parlent ces chansons ? De « lui », c'est-à-dire « d'elle ». Ce sont des chansons d'amour du côté femme, d'une certaine espèce de femme d'aujourd'hui : il serait exagéré de dire « la femme d'aujourd'hui ». Elle lance la liberté, liberté sexuelle certes, mais aussi et surtout peut-être la liberté d'avoir des sentiments, des passions, des désirs : le droit de le dire et le droit d'être femme. « Lui » du coup n'est plus le maître, il est le partenaire. Tout cela ne va pas sans amertume : la légèreté n'est qu'apparente dans ce disque ! Sophie Makhno a beaucoup de pudeur, de délicatesse, de sensibilité.
Sophie Makhno… : pour lui, 30cm, C.B.S., 63.084.

Christian HERMELIN


sophie makhno pilot nouvel observateurPilote

Nous, cette semaine… ON A BIEN AIME… par Guy Vidal
SOPHIE MAKHNO

Une femme-femme adulte. Pas du royaume des minettes. Ni de celui des grandes miauleuses (cf. Barbara, Marlene, etc). Ni se vantant de son sexe. Ni le niant. L'acceptant. Avec aisance, naturel. Pour traduire ce que l'on ressent à l'écoute de ce 30cm (distribution Sonopresse), mélanger l'acide du mot « fraîcheur » à la douceur ronde de « moiteur ». Dire aussi qu'il y a là ironie, tendresse, humour, mesure, plus cette part mystérieusement animale qui n'existe que chez la femme. Un disque sûr et pour les hommes. Pour essayer de mieux connaître cette Amérique que nous sera toujours la femme.

Le Nouvel Observateur

4 Octobre 1967
Le bonheur de Sophie

Un nom emprunté à un célèbre anarchiste ukrainien, un visage d'Asiatique, une voix enfantine et provocante, c'est Sophie Makhno, nouvelle venue dans le monde de la chanson. Nouvelle ? A vrai dire, pas tellement. Il y a des années qu'elle travaille, sous son vrai nom, dans le « show-business », en organisant des spectacles et en écrivant pour d'autres des refrains et des couplets. Elle reste d'ailleurs directrice artistique d'une grande maison de disques. Mais ce n'est que très récemment, six mois au plus, qu'avec bonheur elle s'est décidée à chanter.

Son style est neuf : la femme libre du XX° siècle qui se conduit d'égal à égal avec les hommes. Tendre, elle voile ses sentiments sous l'ironie et l'humour. Elle aime jouer avec les mots, dessiner des images insolites et ses orchestrations sont recherchées et originales. Au moment où la chanson « écrite » regagne le terrain que la vague yé-yé lui avait fait perdre, Sophie Makhno a une place a prendre.

25 Décembre 1967
SOPHIE MAKHNO
La révélation d'un auteur et d'un personnage. Des textes remarquables qui content l'aventure de la femme libre d'aujourd'hui. A écouter sans faute. 33 tours, 30 cm CBS.

27 Décembre 1968
Music-hall

Dans le music-hall et la chanson, peu de remous prévus en 1968. On ne verra ni Brel ni Bécaud a l'Olympia : tous deux préparent une comédie musicale, Bécaud pour les Américains (« Femmes »), Brel pour les Français. Il reste cependant assez de vedettes à Bruno Coquatrix pour remplir ses programmes : Enrico Macias et Georgette Lemaire (en mars), Richard Anthony (en avril). Aznavour – qui ne jouera pas, quoi qu'on ait dit, le rôle du résistant Manouchian dans le film « l'Affiche rouge » - ouvrira la saison accompagné de Pia Colombo.
A Bobino, on verra d'abord en janvier Guy Bedos et Jean-Claude Annoux ; Serge Reggiani, rentrant d'une grande tournée des maisons de la culture avec Gilles Vigneault, l'homme du Québec, prendra la relève en février. Catherine Sauvage et Mouloudji sont prévus en mai.
De nouveaux visages : une fillette de 16 ans, Béa Tristan, qui écrit et chante comme un Brel adolescent ; une jeune fille de 19 ans, Martine Boujoud, lancée par l'écurie Stark, qui après avoir prouvé qu'elle était et, elle aussi, une voix à la Piaf. Mais on parle également de Sophie Makhno qui, après avoir prouvé qu'elle était capable d'écrire de belles chansons, veut maintenant prouver qu'elle peut aussi les interpréter.

Yvette ROMI


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JARDIN DES MODES
Actualités Flèches par Nicole Bamberger
Chansons
« 33 tours » de chansons

Sophie Makhno, une grande nouvelle venue. Avec cette fille de trente ans, la femme d'aujourd'hui entre dans la chanson; une voix enfantine et provocante. C.B.S. : 63 084.

Marie France

MF Disques par Nathalène Isnard
Offrir un disque, c'est comme offrir un parfum… Il faut savoir bien le choisir. Parmi l'abondante production de la fin d'année, nous vous en proposons quelques-uns.

Pour Lui… Sophie Makhno.
Des chansons tour à tour naïves ou provocantes qui ne laissent guère indifférent. Une chanteuse assurément originale au sens le plus noble du terme. Et pourtant elle est bien ce qu'on peut appeler une femme de notre temps. (CBS).

Jours de France
Disques

Une douce jeune femme brune chante avec talent : « C'est au mois de janvier », c'est Sophie Makhno.
« C'est au mois de janvier » n'est ni une rengaine ni un air d'actualité, mais c'est bien joli quand même ; c'est la ravissante Sophie Makhno, une douce brune au nom de terroriste qui le chante. (CBS).


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ELLE

SOPHIE MAKHNO… UNE REVELATION
Jean Monteaux

Son nom est tout neuf, ses treize chansons sont l'aboutissement d'années de travail dans les variétés – elle a été attachée de presse, impresario, directrice artistique. Mais si la fréquentation de Barbara, d'Anne Sylvestre est, pour une oreille avertie, parfois sensible dans ses œuvres, elle n'est jamais déterminante ; Sophie Makhno offre un style d'écriture et d'interprétation, une forme d'expression poétique, un tour d'esprit – et de cœur – qui reflètent une personnalité fascinante.
A travers ses textes – inséparables de leur contexte mélodique, ce qui me semble être le propre de la chanson – se dessine la jeune femme non de notre époque mais de notre actualité. Par la tendresse de son cynisme, par cette (illisible ) qui déguise sa douleur, par sa quête d'une indépendance qui ne serait pas seulement liberté, Sophie Makhno révèle et fixe l'image secrète de la trentaine au féminin et en 1967.
Toutes ses chansons exigent une écoute attentive parce que chacune est différente. « Moi, je veux bien », par exemple, séduit d'abord par l'habileté de sa structure puis touche par la pudeur de l'inexprimé. « Sous un parasol » vient à point pour nous ramener à l'humaine vérité : mieux que toute drogue, l'amour est le plus efficace de tous les hallucinogènes. « Je rêvais d'un homme », ou Sophie Makhno confie, « Je veux retrouver mon cœur, mon rire et ma santé », image avec une ironie teintée de mélancolie, la désillusion devant l'homme dévirilisé.
Sous la légèreté drôle de « Je r'tourne chez les ours » dont chaque mot est irremplaçable, se devine, face à notre aujourd'hui, la déception. « Avant toi, avant moi » donne le plaisir d'un jeu d'esprit puis, brusquement, force la méditation. Et les oppositions d'images des « Mots », les trouvailles poétiques d' »Ensemble », la brillance d' »Encre de Chine », la cruelle réalité de « Qui j'embrasse » satisfont autant l'esprit que la sensibilité. Un accompagnement subtil de Bernard Gérard, une pochette raffinée s'allient à cette réussite.
(30 cm, CBS).

Disques de Varietes
17 Avril 1972
« Cinq femmes qui ont du caractère »

Jean Monteaux apprécie les nouveaux enregistrements de Sophie Makhno, Eva, Colette Renard, Francesca Solleville et Barbra Streisand.

Toutes ont des qualités, toutes ont du caractère. Si les oeuvres qu'elles interprètent ne sont pas toujours en rapport avec leur talent, elles valent quand même une écoute attentive. Et la chanson n'est pas actuellement si riche qu'on fasse trop la fine oreille.
Sophie Makhno dissimule la délicatesse sous la fragilité. La voix est plus pudique que menue et l'apparente désuétude – au demeurant toute d'ironie – cache la bonne et paisible santé d'une femme dépourvue de complexes. Cette souriante sérénité permet à Sophie Makhno d'écrire des chansons qui fleurent la bergamote moqueuse et la lavande tendre. Dans « L'Air du temps », préférant « la guitare au tambour » elle professe sa foi ; on ne s'étonne plus que, dans « La Fiancée du gangster », elle évoque sa zibeline et sa Packard (17cm, Sonopresse) ; ni qu'elle constate en souriant que certains hommes « s'en vont comme des bulles de savon » (« Un Gros câlin ») ; ni qu'elle confie : « J'écris des petites chansons pour jalonner les saisons » (« J'aime la vie »). Les fraîches mélodies que lui compose Bernard Gérard ont le parfum des printemps heureux. Et a l'écoute de Sophie Makhno on se surprend à penser que la vie serait bien agréable si on s'écoutait vivre. (17cm, Spinaker, Sonopresse)


sophie makhno diapason
DIAPASON

LES MEILLEURS DISQUES DU MOIS
Un Sourire, Sophie Makhno

Ce sourire là est « un certain sourire ». Il ne faudrait pas s'y tromper. Sophie Makhno sourit, mais c'est pudeur. Elle sourit plutôt que de pleurer ; comme d'autres crient ! Ses chansons ont de temps en temps mal, mais elles se feraient hacher menu plutôt que de le dire. Elles parlent des H.L.M. et du printemps – quelle angoisse ! Des filles bottées de cuir, vêtues de soie. De la pimprenelle et du tabac. En un mot : elles sont modernes. Non dans le mauvais sens que vous pourriez supposer : celui qui se démode. Elles ont la modernité de la femme de toujours, avec un reflet de plexiglas, mais sur fond d'herbe tendre. Ce disque est pimpant et secret. Il vient par le chemin des écoliers ; par la porte à côté : bon accueil. Qu'il entre !

SOPHIE MAKHNO :1. Plutot Marie Madeleine que Madelon - 2. La porte à coté (Par le chemin des écoliers) - 3. Les hommes, les hommes, les hommes - 4. Bottés de cuir, vêtus de soie - 5. Quand je te parle des roses - 6. Avec un partenaire - 7. Mon bel H.L.M - 8. Si ce n'est pas moi - 9. Voilà le printemps, quelle angoisse - 10. La pimprenelle et le tabac - 11. J'ai fumé ma dernière cigarette. (Spinaker, distribution Sonopresse, 30 cm, SP 39.510, 28,50F).

Sophie Makhno
Du caviar et des roses – Comme papa. CBS, 45 tr. Simple, série Gemini, 3 841.

Nous avions remarqué Sophie Makhno à son premier 30 cm. En la réentendant, nous nous disons que nous n'avions pas tort : dans le ruisselet de médiocrité qui s'écoule tous les mois sur nos électrophones, Sophie a du corps et du bouquet ! Sans aller jusqu'au « message », elle chante pour dire quelque chose. Son ton, acide et tendre, est le ton d'une personne qui en a. Ceci est bien modeste apport à ses « œuvres complètes » et – pourtant – deux chansons réussies, ce n'est pas si mal ! Pierre à pierre, gemini par gemini, Sophie Makhno bâtira son personnage. La voie est ouverte. A Bientôt.
L.B.

NOVEMBRE 67
Sophie Makhno

1. Je rêvais d'un homme - 2. Sous un parasol - 3. Moi je veux bien - 4. De mes nouvelles - 5. Un tour de coeur, un tour de monde - 6. Je suis venue de rien 7. Je r'tourne chez les ours - 8. Ensemble - 9. Avant toi, avant moi - 10. Amour-encre de Chine - 11. Qui j'embrasse - 12. Au revoir - 13. Les mots.(CBS, 30 cm, 63.084).

Voilà une entrée en scène qui va faire du bruit ! Je l'écris non seulement à cause du nom d'anarchiste que porte volontairement cette nouvelle venue. Mais aussi à cause de ce qu'elle dit de la façon dont elle le dit, et de ce qu'elle sous-entend. Sophie Makhno – en qui Lucien Rioux voit justement le type de la jeune femme d'aujourd'hui : belle, dure, tendre, un peu cynique, un peu naïve – dit les choses avec une intelligence lucide qui aurait fait fuir nos grand'mères au fin fond des confessionnaux. Mais enfin, elle a une voix. Elle parle. On l'entend. Exorcisée ou pas, on comprend que sa préoccupation dominante est l'amour. C'est donc une vraie femme. La drogue et le plaisir appartiennent au pittoresque. Ils sont la pour mémoire. Pourtant, comme c'est une combattante, elle fait semblant de rien. Elle prêche le faux pour dire le vrai. C'est dans ce va-et-vient subtil, dans ce réseau de contradictions « internes » que se situe la personnalité en question.
La voix est belle, souple et nue. La dame se tient en retrait. Puis, on ne sait pourquoi, la dame s'avance et la déborde. C'est léger, lumineux, subtil, imprévu, grave sans attitudes, gai sans grands rires. En un adjectif, c'est vivant. Ca jongle comme un film de Godard. Ca ne se prend pas au sérieux, mais c'est sérieux quand même. Et pour d'autres raisons.
Une dame à suivre.
L.B.


sophie makhno presseL'HUMANITE

L'actualité du disque
Sophie MAKHNO « La Maison de vos reves »

A entendre Sophie Makhno nous expliquer si joliment comment atteindre « La Maison » (de vos rêves) on a envie de suivre son conseil. « Il n'est pas interdit de rêver » chante-t-elle mais on s'aperçoit très vite qu'elle a également les pieds sur terre quand elle évoque « L'air du temps » ou ce « Mois de janvier » chargé de souvenirs. C'est toujours dit avec infiniment d'humour et une sensibilité certaine.
(33 tours L.M.C.E. 79.001 L.M.C.P.S.)

25 Décembre

Sophie Makhno… pour lui… « Lui » a bien de la chance, car ses chansons écrites (toujours) et composées (parfois) sont l'œuvre d'un personnage incontestablement cynique et tendre à la fois. Difficile de citer un titre dans ces conditions.
(33 tours C.B.S., 63 084.)

ELLE

15 février 1972
Magny et Makhno :
Jean Monteaux donne les raisons de son enthousiasme pour les nouvelles œuvres de Colette Magny et de Sophie Makhno.

Sophie Makhno : le charme couronné d'épines, la délicatesse acérée, le désinvolture barbelée. Un tour désabusé, suprême pudeur d'une passion latente. Une vraie femme, satisfaite et fière de sa vocation qui est d'aimer les hommes et d'en être aimée. Et onze chansons de bonne santé dont l'une, « Plutôt Marie-Madeleine que Madelon », réhabilite la petite vertu après un demi-siècle de tricolorisme de maison close.
Pour interpréter ses œuvres les plus mordantes sous une apparente désuétude – « Bottés de cuir, vêtus de soie », «Voilà le printemps, quelle angoisse » - ou les plus ironiquement anodines – « Mon bel H.L.M. », « Avec un partenaire », « Si ce n 'est pas moi » - ou encore les plus sensibles derrière un tulle tissé de sourires – « La porte à côté », « J'ai fumé ma dernière cigarette » - Sophie Makhno affecte le dilettantisme et le détachement d'une pensionnaire des Oiseaux. Et cette préciosité qui n'est qu'artifices amplifie la force de son expression. Elle lui permet aussi de conjuguer « emmerder » - dans « Quand je te parle des roses » - avec une superbe qui exclut toute vulgarité.
Les compositeurs, les musiciens, les techniciens qui ont collaboré à la création et à la réalisation ont parfaitement allié leur état d'esprit à celui de Sophie Makhno. Si bien que ce disque de haute ironie est une réussite. (« Les Hommes », 30 cm, Spinnaker, Sonopresse).
J.M.


sophie makhno gilles vigneaultLE NOUVEL OBSERVATEUR

FEVRIER 71

Le paysan et la princesse
* Un Canadien avec ces chiens et un Boris Vian femelle

Il est maigre, nerveux. Un visage en lame fait pour trancher le vent. Sa voix étrange est éraillée par les grandes plaines où il faut hurler pour se faire entendre. Pas toujours juste. Peu importe. Comme lui, elle mue instantanément : à un moment, elle confie, douce, insidieuse, rauque toujours, mais avec une tendresse qui polit les aspérités… La minute suivante, elle s'arrache, enfonce les tympans, entraîne… Voix du vent qui rafraîchit les visages et déracine les chênes.
Un orchestre l'accompagne. Cinq musiciens, semblables à ceux qui font danser les noces des villages perdus, dominés par la sonorité aigrelette et entraînante du « crin-crin », d'un violon de campagne. D'instinct, les pieds retrouvent les pas de la gigue et du rigaudon.
Ainsi se dessine la silhouette de Gilles Vigneault, 40 ans, ex-séminariste, ex-bûcheron, ex-marin, ex-professeur, aujourd'hui poète, chansonnier, musicien et porte-parole du Québec. Conteur aussi, capable de faire de son village, de son pays et de ses hommes des héros de chansons. Il parle :
« J'aimerai vous raconter l'histoire d'un facteur de la côte nord, qui… »
La voix martèle les mots :
« … avec ces chiens de Kaska, son fouet, ses raquettes longues, ses sacs de malle, sa drague… »
La musique apparaît, la parole devient chanson :
« … et puis son grand cométique (1), ferré, foncé, lacé pour les tempêtes d'hiver… » Suit l'histoire de Jos Hebert, « qui s'en va porter les lettres d'amour des gars du Havre-Saint-Pierre aux filles du Blanc-Sablon ». Un personnage exemplaire. L'œuvre de Gilles Vigneault forme le plus étonnant album de portraits que la chanson ait connu. S'y côtoient Ti-Paul-La-Pitousse le bûcheron, Jean-du-Sud le marin, John-Débardeur le docker, Jack Monoloy l'Indien, Caillou-la-Pierre le centenaire, Money-Bum le vagabond, Ti-Franc-la-Patate le cultivateur. Tous vrais, pas inventés. Vigneault les a connus, son père les a côtoyés journellement. Ils sont robustes, frustes, tendres. Ils ont le goût de la liberté, un certain humour et une grande sagesse. Ils sont les pères des Québécois d'aujourd'hui.
De la vient le succès de Vigneault. Il a rassemblé dans ses chansons tout ce qu'est le Québec. Le pays immense et ses multiples langages. La langue précieuse des lettrés, le « patois-dix-septième » des campagnes et le « joual », curieux argot des villes ou le français et l'anglais se mêlent sans pudeur. « Peut-être que le public se reconnaît en moi, qu'il vient s'applaudir lui-même… » Parce qu'au bout de ma chanson est mon pays. »

Un journaliste de Montréal :
« Vigneault nous a tous paysés. »

Vigneault, il faut le voir : il passe pour quelques semaine au Théâtre de la Ville (tous les soirs a 18 h 30). Ne le manquez pas

(1) D'après le lexique établi par le poète Henri Pichette, grand admirateur de Vigneault, un cométique est un traîneau eskimau et un sac de malle un sac de courrier.

Sophie Makhno, comme Vigneault, a fait nombre de metiers : institutrice, secretaire. Mais tres vite, elle s'est lancee dans le music-hall. Elle a monte des spectacles. Elle a travaille avec Anne Sylvestre, Barbara, Patachou. Elle a ecrit des chansons pour les autres. Puis un jour, elle a saute la barriere. Elle a choisi un pseudonyme provoquant : Sophie Makhno, prenom de princesse, nom d'anarchiste, et elle s'est lancee.
Son premier 33 tours avait attire l'attention des critiques. Un ton nouveau, persiflant, agressif. Elle se moquait des modes, racontait, sans tremolos, de legeres histoires d'amour. Trop originale, elle rebuta les programmateurs de radio. A part quelques exceptions, ces specialistes n'aiment guere ce qui sort des normes admises. Ce Boris Vian femelleles choquait.
Elle vient de sortir un grand disque (chez Sonopresse). Excellent et toujours aussi suprenant. Elle ironise : « Voilà le printemps, quelle angoisse ». Elle se presente « Plutot Marie-Madeleine que Madelon ». Elle continue d'agresser et se sert des mots comme de banderoles. Libre, intelligente, independante.
Lucien Rioux


sophie makhno teleramaLE MONDE

Disques
25 Février 1971
SOPHIE MAKHNO

Cette voix nuancée, vive, enjouée, cette façon de dire les choses sans avoir l'air d'y toucher, cette désinvolture et cette gravité. Il y a longtemps qu'on les attendait. Pour la première fois une Française parle aux Français. Elle ne leur chante pas les contes de la mère l'Oye, elle ne donne pas dans la copie d'ancien, ses remarques, ses refrains sont d'époque, la nôtre.
Idées longues et cheveux courts, plutôt Marie-Madeleine que Madelon, bottée de cuir, vêtue de soie, sortie d'une H.L.M., bâtiment vingt-deux ou vingt-trois, préférant la marijuana, la pimprenelle, la sarriette et le tabac, venue surprendre au saut du lit celui à qui elle voulait « faire une fête », elle fume une dernière cigarette devant un café refroidi, « en attendant qu'il se décide à sortir de sa nuit ».
Ce ne sont que des hommes, en somme, les hommes dit-elle, à juste titre, un peu plus loin, posant ainsi en les inversant les véritables données du problème de l'émancipation de la femme. Mieux qu'une découverte, une révélation.
C.S.
· Les Hommes, les Hommes, les Hommes, SP, 39.510, Sonopresse, 28,40F)

TELERAMA LE MONDE

Chansons de notre enfance
par SOPHIE MAKHNO

Sophie Makhno interprète les grands classiques de la chanson enfantine: La Mère Michel, Cadet Rousselle, Le Roi Dagobert, de sa voix juste et sans fioritures.


sophie makhno presseFEMMES D'AUJOURD'HUI

Sophie Makhno chante "Au Pays des Animaux"

33 tours 99.501

Depuis quelques années, le domaine des disques pour enfants s'est enrichi du nom de Sophie Makhno. Non seulement elle écrit de charmantes chansons, les chante, mais elle s'attache à donner une enveloppe attrayante aux enregistrements qu'elle réalise pour eux. Il en est ainsi pour le "Pays des Animaux" dont le 33 tours regroupe 12 chansons consacrées précisément à des histoires d'animaux: "La petite souris", "Berceuse du poisson-chat", "Petit loup de Sibérie", etc... Une reproduction de la pochette, en noir et blanc, est jointe pour être colorisée.

De surcroît, chaque chanson a sa version 45 tours en livres-disques illustrés par Marina Pratti de la plus exquise façon.

JOURS DE FRANCE

Au Pays de Chantecouleurs et Au Pays des Animaux.

Il aurait fallu des colonnes entiéres pour vous signaler les titres des disques déstinés aux enfants parus pour les fêtes... Cependant il n'est pas trop tard aujourd'hui pour vous marquer l'intérêt que nous portons à deux séries de chansons réalisées par Sophie Makhno pour les enfants de 3 à 9 ans. Il s'agit de "Au Pays de Chantecouleurs" et de "Au Pays des Animaux". Ce sont des 45 tours bien réalisés, bien présentés dont le but est, sous la forme la plus distrayante, de familiariser les plus jeunes avec les couleurs de base et les animaux. Des séries éducatives intelligemment faites.

TELE JOURNAL

Loisirs

Des disques éducatifs

Sophie Makhno, auteur et interprète, vient de sortir deux séries de chansons pour les enfants de trois à neuf ans.

Une serie sur les couleurs:

"Au Pays de Chantecouleurs" (Ref. 99502), permet aux enfants de se familiariser avec les couleurs de base grâce aux titres suivants: "Compte-Cerise" (rouge), "Chanson jaune", "Berceuse bleue", "Marron-Marron", etc. 30 cm, plus poster à colorier.

Une serie sur les animaux:

"Au Pays des Animaux" (Ref. 99501), dont les titres font connaître aux enfants les bêtes familières ou sauvage: "Un grillon dans le carillon", "Chanson pour les chats", "Petit loup de Sibérie", "Berceuse du poisson-chat", etc. 30 cm, plus poster à colorier.

Chaque titre de ses deux séries existe en 45 tours, une face chantée, une face orchestrée pour permettre aux enfants de chanter grâce au texte imprimé à l'intérieur de la pochette.

F. MAGAZINE

ENFANTS / Noël Disques
Astucieux, tendres et mélodieux.

Leur 45 t., ils le trimballeront de pièce en pièce, le mange-disque à la main. Vous connaîtrez vite chaque air, chaque texte. Alors autant en choisir d'agréables à l'oreille et de plaisants à l'esprit. Nous avons sélectionné pour cette fin d'année : Si les rats se font la guerre ("c'est qu'il ne reste plus guère que les trous sans le gruyère"), le Quadrille des animaux ("faire danser la poule avec le renard") et Un grillon dans le carillon ("compte les heures"). Ce sont trois disques avec paroles et musique. Une face chantée et l'autre orchestrée pour que l'enfant fasse son propre play-back. Astucieux.

L'HUMANITE DIMANCHE / VIVRE AUJOURD'HUI

Sophie Makhno a choisi un parti différent. dans ses chansons pour "Le Chat", "Le Dragon Chinois", "Un Petit Homme Vert", elle veut faire participer l'enfant. La deuxième face de chaque disque comporte seulement une bande orchestrale qui permet au jeune auditeur (3 à 6 ans) de devenir chanteur à son tour.


sophie makhno platine PLATINE

# 99 Mars 2003
Le retour de l'interprete
SOPHIE MAKHNO

De retour du 8 au 19 avril au Sentier des Halles avec son nouveau spectacle « Je me fous d'avoir vieilli », ainsi qu'un nouvel album du même nom, cette parolière de Barbara et Dumont a également été interprète et a enregistré plusieurs albums. Retour sur près de 45 ans de carrière.

Tour à tour institutrice, apprentie comédienne, journaliste, organisatrice de tournée, secrétaire d'artistes, directrice artistique, Françoise Marin enregistre en 1957 sous son vrai prénom un 45 tours (chez Barclay) contenant 4 titres composés par un jeune artiste totalement inconnu qui est également son compagnon, un certain Pierre Perret. En 1963, Barbara demande à Françoise devenue Lo de travailler avec elle. Celle-ci sera pendant plus de deux ans à la fois secrétaire mais aussi parolière. Elle lui écrira « Septembre (quel joli temps) » entre autres et fera de Barbara une vedette. C'est en 1966 que Françoise Lo entre chez CBS comme directrice artistique, de Charles Dumont, Patachou, Gilles Vigneault…

Mais c'est en 1967, sous le nom de Sophie Makhno (Sophie en hommage à la princesse et Makhno comme l'anarchiste) qu'elle sort son premier 33 tours (chez CBS !) intitulé « Pour Lui ». Dans cet album, on retrouve la chanson « Je rêvais d'un homme » dans laquelle elle évoque la liberté sexuelle féminine, mais aussi des titres qu'elle a écrit avec le jazzman Michel Portal, le pianiste Bernard Gérard, le chanteur Joël Holmes ou celui qui devient son interprète fétiche, Charles Dumont (pour lequel elle a composé une centaine de chansons dont « Ta cigarette après l'amour »).

L'année suivante (chez CBS toujours), sort « Teuf Teuf », le second album. Douze titres dont elle a signé tous les textes et qu'elle a composés seule ou avec les mêmes, plus Stéphane Reggiani (« Obsessions 68 »).

1972 marque un renouveau : Sophie Makhno a quitté CBS et publie « Les hommes, les hommes, les hommes », son opus distribué par Sonopresse. Comme à son habitude, Sophie y signe tous les textes et une partie des musiques, ou alors fait appel au chanteur engagé Francois Béranger, aux chanteurs plus romantiques Colin Verdier et Jacques Blanchard, aux arrangeurs Jean-Claude Petit (Cloclo, Sheila) et Jean Frédenucci (Cloclo, Feldman et Norman Ray).

Frédenucci, Verdier, Blanchard continuent à travailler avec Sophie sur son quatrième opus en 1973, « La maison de nos rêves » paru sur un petit label. En sont extraits « L'île aux oiseaux » et « L'air du temps ». En bonus, on note une composition de Mickey Baker, le complice de Johnny.

1974, et c'est le cinquième 33 tours, toujours sur un petit label, « Je chante pour Grand'mère », avec des musiques de Joël Rocher et une seule de Colin Verdier.

En 1975, RCA distribue « Ma petite musique de nuit », soit dix titres dont Sophie a signé les textes et qu'elle a composé seule ou avec les fidèles Joël Rocher, Colin Verdier ou Michel Mareska.

En 1976, sur le même label, voici « Photo de famille », son septième album avec 10 chansons écrites par Sophie elle-même, et composées par Jean-Pierre Mas, Benoît Kaufman, et les anciens : Bernard Gérard, Joël Rocher ou encore Colin Verdier.

En 1980, sort l'avant dernier album en date de Sophie Makhno « Quel joli temps » sur le label de Mémé Ibach, le producteur de Karen Chéryl. Parmi les 10 titres de ce 33 tours, on retrouve « L'amour est un remède à la mélancolie » composé par Jean Schulteis (« Confidence pour confidence ») mais aussi « (Septembre) Quel joli temps », « Ta cigarette après l'amour », ainsi que toujours des musiques de Jean Frédenucci, Colin Verdier, Michel Portal, Bernard Gérard…

Il aura donc fallu attendre 22 ans pour que Sophie Makhno enregistre un nouvel album de nouvelles chansons. Ceux qui iront l'applaudir au Sentier des Halles pourront l'acquérir en toute premiere exclusivité… Le joli temps ne commence pas qu'en septembre…

NB : En parallèle à ces albums de variété, celle que Lucien Rioux (Nouvel Observateur) avait surnommé « La Boris Vian femelle » a également enregistré cinq albums pour enfants (dont deux ont été réédités sur le meme CD) parmi lesquels ; « Les animaux de Sophie », « Vive les vacances », « Chantecouleurs »…

sophie makhno presseLe Monde Aden

Semaine du 22 au 28 septembre 2004
CHANSON
SOPHIE MAKHNO du 22 au 25 septembre à l'Essaïon
Françoise Lo, Françoise Marin, Sophie Makhno. Trois noms pour une seule et même personne, pour celle qui, de 1963 a 1966, fut la secrétaire-assistante de Barbara, avant de lui écrire des textes comme Toi l'Homme, Les Mignons ou Septembre (quel joli temps). Plus tard, en 1967, Sophie Makhno permit aussi à Charles Dumont de renouer avec le succès qu'il avait connu quelques années aupravant en compagnie de Piaf, grâce notamment à une chanson, Ta cigarette après l'amour. Aujourd'hui, sous les jolies voûtes de l'Essaion, elle entonne ses propres compositions, réunies en 2003 dans un album, Je me fous d'avoir vieilli.

* Essaïon, 6 rue Pierre-au-Lard, Paris 4e, 01 42 78 46 42. A 20 h 30; 15€, tarif réduit 10€. Avec, en seconde partie de soirée, Eric Toulis, ex-leader du groupe Les Escrocs.


sophie makhno je chante
JE CHANTE!

ENTRETIEN AVEC SOPHIE MAKHNO

JE CHANTE ! - Sophie Makhno, tous les lecteurs de Je chante ! ne connaissent pas votre trajectoire originale et diversifiée, et je vous remercie d'avoir accepté de la retracer. Quand avez-vous commencé vraiment dans la chanson, et pourquoi dans la chanson ?

SOPHIE MAKHNO - Je ne sais pas si on sait quand on commence vraiment... J'ai commencé par faire du cabaret en chantant des chansons de Pierre Perret... J'ai toujours su où je ne voulais pas aller : je ne voulais pas faire une carrière universitaire...
- Vous aviez fait des études pourtant...
- J'ai préparé Normale Sup à Fénelon (avec Anne Sylvestre !). Ensuite, je suis allée en Sorbonne, ou je préparais un certificat de géographie générale et un d'histoire ancienne, mais je ne voulais pas faire la carrière vers laquelle ça devait m'emmener . Alors, quand on sait ce qu'on ne veut pas, ça ne veut pas dire qu'on sache ce qu'on veut, mais on sait vers où on préférerait aller...
- Vous préfériez aller vers la chanson ?
- La chanson fait partie de ma vie, tout le temps... Quant au cabaret, c'était, à ce moment-là, l'endroit ou allaient s'exprimer ceux qui ont fait des carrières de " chanson ", mais aussi de comédiens, d'auteurs, de compositeurs, des carrières artistiques qui avaient à voir avec tout ce qui est mystérieux dans la scène et dans le rapport avec le public...
- Donc, ce qui vous intéressait plus, c'était le rapport avec le public ?
- C'était le rapport avec un public, avec une façon d'aborder les gens, d'être très près...
- Qu'y avait-il de spécifique qui vous attirait dans cette forme d'expression-là, qui vous a fait choisir la chanson par rapport aux sketches, au théâtre ?
- Le fait que j'aimais énormément de gens qui faisaient passer dans la chanson des choses qui ne passaient pas ailleurs, le fait qu'il y avait Brassens, qu'il y avait eu - et qu'il y avait encore - Trenet, Mireille et Jean Nohain... dans des registres différents, mais c'est toujours de la chanson, et ça me paraissait être quelque chose de complet. La chanson, c'est comme l'aquarelle, on n'a pas le droit à l'erreur. Il faut en trois minutes avoir fait quelque chose...
- Et c'est ce challenge qui vous a intéressée ?
- C'est une façon de faire, comme je préfère cent fois, mille fois, la nouvelle au roman ! Plusieurs années après avoir chanté les chansons de Pierre Perret, je me suis aperçue que j'étais mal a l'aise dans les textes des autres, et que j'avais besoin d'écrire et d'exprimer les choses moi-même parce que personne ne pouvait le faire à ma place.
- Cette première expérience ou vous avez chante des chansons de Pierre Perret, sous le nom de Françoise Marin, qu'est-ce que ça vous a apporte?
- J'ai pris conscience de ce qu'était ce métier de la chanson, de ses difficultés, du machisme avancé qui y régnait et qui a continué à régner, d'ailleurs !
- Apres cette période, vous avez été secrétaire de Barbara. Comment etes-vous entrée dans cette activité, et pourquoi avec Barbara ?

J'ai été amenée à présenter des spectacles au Théâtre des Capucines, à un moment où les chanteurs de chansons françaises se sont trouvés à la rue sous l'impulsion de la vague dite yéyé. Pour cette catégorie de chanteurs, il n 'y avait plus d'endroits pour chanter... Gilbert Sommier avait d'abord monté les Mardis de la Huchette puis les Mardis des Capucines : il prenait des théâtres le jour de relâche et montait des spectacles de chansons mais aussi de diseurs. J'ai eu l'occasion de présenter Darras et Noiret, Avron et Evrard, par exemple, et puis Serge Gainsbourg, Barbara, Anne Sylvestre, des artistes qui n'avaient pas droit de cité dans les music-halls...
- Et vous avez donc eu des contacts avec Barbara...
- Elle a vu que je m'engageais sur la voie de ce que j'appelle le " secrétariat d'artistes. J'ai travaillé avec Romain Bouteille, Anne Sylvestre, Los Incas, Valérie Lagrange, Pierre Richard et Victor Lanoux qui avaient un numéro à deux... Et quand je l'ai rencontrée au Théâtre des Capucines et que je l'ai présentée, Barbara m'a téléphoné et m'a dit : " Je sais que tu ne m'aimes pas " -ça s'invente pas! - " mais je voudrais travailler avec toi, tu as une semaine pour réfléchir... . Ca s'est fait comme ça !
- Et c'est aussi à ce moment-la que vous avez commencé à écrire vos premières chansons... Il y avait Les mignons, Toi I'homme...
- Oui, mais déjà au Théâtre des Capucines, je disais des textes que j'écrivais, avec un accompagnement à la guitare de Ramon Herrera. Jacques Grello me dit : " Mais, mon petit, vous savez que vous écrivez des chansons ? " Je lui ai répondu : " Non, parce que si c'etaient des chansons, je crois que je m'en rendrais compte ! " Il insiste : " Vous ne le savez pas, mais un jour, la musique va venir au bout, vous écrivez des chansons, je suis formel ! " Il avait raison ! La première chanson que j'ai écrite avec Barbara, Sans Bagages, était un texte comme ceux que je disais aux Capucines. Elle aussi m'a dit : " Tu écris des chansons ! " - " Non, je n'écris pas de chansons " - " Fais voir ! " Elle a pris ce texte, l'a mis sur son piano, et elle en a fait Sans Bagages…
- Et après, comment etes-vous passée de Barbara a CBS ?
- En me fâchant avec Barbara !
- De la façon avec laquelle elle vous avait abordée, c'était prévisible depuis le début…
- Non, mais Barbara était quelqu'un d'entier, de passionné, de difficile, d'exigeant, pour qui il fallait être là dix-huit heures sur vingt-quatre : au bout de trois ans et demi, avec un accouchement au milieu, ça finit par faire très lourd… Et ce qui a fait plus lourd que lourd, c'est que, au cours d'un déjeuner avec le patron de Philips, elle m'a désavouée pour quelque chose que je faisais pour elle, et je ne l'ai pas du tout supporté ! Je me suis levée de ce déjeuner en lui lancant : " Tu n'as plus de femme d'affaires ! "
- Le curriculum vitae avec Barbara, ça a ensuite facilité votre entrée chez CBS ?
- Certes, mais pas seulement, parce que dans ce curriculum vitae était aussi indique que, chez Philips, on m'avait demandé de faire monter Serge Gainsbourg sur scène, ce que j'avais fait, alors que lui ne voulait pas. C'était au TEP (Théâtre de l'Est Parisien) où j'ai monté un spectacle avec Nougaro et les Haricots Rouges, puis Barbara-Reggiani. J'ai été la première a faire monter Herbert Pagani sur une scène en France… J'avais fait un spectacle dans lequel il y avait Pauline Julien et Paul Simon qui chantait, lui, en anglais, ce qui n'était pas de mise au TEP, mais le public ne s'y est pas trompé et lui a fait une ovation… J'ai fait monter sur cette scène Graeme Allwright, Los Incas…

- Chez CBS, vous vous occupiez de qui ?
- Chez CBS, où enregistraient déjà plusieurs artistes québécois, j'ai dit : " Je voudrais monter un vrai catalogue de chanson française, avec des auteurs-compositeurs et interprètes dans le style de ce que je connais, et je voudrais le faire en gardant un statut extérieur qui me permette de faire des choses hors CBS, c'est-à-dire de monter des spectacles qui ne soient pas complètement inféodés à des artistes d'ici. " Moyennant quoi, j'ai monté des spectacles qui s'appelaient Les visages neufs de la chanson à Bobino, et j'ai fait inviter Les Idoles de Marc'O sur cette même scène, avec Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon, Pierre Clementi... Donc, chez CBS, j'ai fait sortir en France les disques de Gilles Vigneault. Je suis allée faire resigner à Gilles Vigneault son contrat avec Columbia au Québec, en lui promettant une scène a Paris et de m'occuper de lui, et c'est ce que j'ai fait... Et puis, j'ai eu des jeunes artistes dont Stephan Reggiani...
- D'ailleurs, il y a quelques chansons qui sont cosignées...
- Oui. J'ai écrit pour lui On est du même bord... et pour moi, Obsessions 68, la musique est de Stephan. Et puis, j'ai eu Charles Dumont qui m'est échu parce qu'il avait vu mon nom sur une porte, comme dit l'autre... Et Serge Franklin qui fut chanteur, avant de devenir le compositeur de scène de Barrault-Renaud et le compositeur de musiques de films, notamment du Coup de Sirocco, du Grand Pardon, d'un tas de séries télévisées, notamment Des grives aux loups dont on a écrit la chanson ensemble et dont il a composé toute la musique... Et Colin Verdier et François Béranger... J'ai réalisé les disques que Patachou a enregistrés chez CBS, par exemple... Et Raimon, chanteur contestataire catalan, avec qui j'ai fait deux 33 tours... Et aussi " Pauline Julien chante Boris Vian "... Et les deux derniers disques de Christine Sèvres... Je faisais uniquement de la direction artistique en studio, de l'enregistrement...
- Alors, comment, chez CBS, passe-t-on du statut de directrice artistique au statut de chanteuse ?
- Charles Dumont m'a demandé d' écrire des chansons avec lui... Je lui ai écrit, par exemple, Ta cigarette après l'amour... Et puis, j'ai écrit des chansons de femme que personne n'avait envie de chanter... Ca peut paraître très désuet maintenant, mais à l'époque, c'était très provocateur... - Alors, j'ai dit : " Je vais les chanter moi-même ! "
- Et pourquoi ne pas avoir gardé votre nom de Francise Lo ?

- Je voulais m'appeler Françoise Lo, mais le PDG de CBS, Jacques Souplet, ne voulait pas que je chante sous mon nom de directrice artistique et m'a demandé d'en choisir un autre... J'ai pris le nom de Sophie Makhno, c'était volontairement une provocation ! Makhno était l'homme qui voulait faire la réforme agraire en Ukraine, à une époque où les préoccupations de Lénine et de Staline étaient des préoccupations d'ordre industriel et certainement pas agricoles. Et Nestor Makhno est mort en France en 1934, après avoir perdu dans la sidérurgie française le reste de ses poumons qu'il n'avait pas perdu dans les prisons tsaristes... La vie de Makhno, c'est quelque chose qui me branchait bien...
- Vous avez sollicité pas mal de monde pour les musiques en particulier… Dans le premier disque, par exemple, il y a Michel Portal, Joël Holmès, des pointures…
- Qui, mais ça s'est fait tout seul... C'etaient des copains, ils faisaient partie de ma vie. Portal, je 1 'ai eu comme musicien de séance d'enregistrement, je le connaissais notamment parce qu'il a été parmi les accompagnateurs de Claude Nougaro, à l'époque…
- Et ce premier 30 cm, " Pour lui ", avec ces chansons " de femme ", quel a été son impact ?
II y avait très peu de femmes auteurs et interprètes. Parce que les femmes portaient un costard qui leur était taillé sur me sure par les hommes, exactement comme leurs fringues sont faites par des hommes... Quand j'ai sorti ce disque, des auteurs-compositeurs de chansons que je connaissais m'ont dit : " Ah! Mais tu ne peux pas faire ça, une femme ne peut pas dire ça ! " J'ai répondu : " Pourquoi, et au nom de quoi ? " Et je ne sais plus a propos de quelle chanson, Jean Schmidt, qui travaillait avec Jean Fredenucci, m'a dit : " Mais on ne peut pas dire ça, tu comprends, une femme qui dit qu'elle a un amant, etc... S'il n'y a pas un côté un peu "larme à l'œil", c'est impardonnable ! " J'ai rétorqué : " Quoi, c 'est impardonnable ? Les hommes qui trompent leurs femmes les trompent avec qui en général ? " C'est ce que reflète tout ce qui a été écrit dans la presse à ce moment-là, avec bravo ou pas bravo…
J'ai eu un superbe article de Claude Sarraute : " Ah, enfin, en voila une qui dit les choses ! " Jean Monteaux, qui a dit la même chose, a été interdit de séjour dans la loge de Barbara parce qu 'il a, deux fois de suite, écrit dans Elle des papiers extraordinaires sur moi ! Lucien Rioux dans Le Nouvel Observateur, Guy Silva dans L'Humanité, la même chose. J'ai eu dans Témoignage chrétien et dans La Croix des papiers sublimes, mais qui se terminaient par: " Mais alors, où va-t-on si les femmes se mettent à dire ce qu 'elles pensent des hommes ? " ! Ce disque a eu un tel accueil de la presse que Jacques Souplet, le patron français de CBS, m'a avoué : " Je n'ai jamais vu une presse pareille pour un premier disque ! "
- C'est flatteur !
- Oui, mais ça ne lui faisait pas spécialement plaisir parce qu'il n'avait pas tellement envie de me voir me mettre à chanter autrement que pour me distraire, il me préférait comme directeur artistique ! Voilà. Alors, à ce moment-la, j'ai fait du cabaret et beaucoup d'émissions de radio, et j'ai eu beaucoup de passages radio, mais la volonté de Jacques Souplet n'était pas de promouvoir ce disque !
- Et le deuxième CBS s'est fait dans la foulée ?
- Oui. Ca a été superbe aussi sur le plan de la presse. Sur le plan des médias, j'ai commencé à faire de la télévision à ce moment-là. II y avait quand même beaucoup d'émissions de télévision, entre autres, Jean-Christophe Averty , Mick Micheyl, le samedi après-midi, Denise Glaser, le dimanche midi...
- Les disques se sont alors succédé à grande vitesse... Les quatre premiers 30 cm font un ensemble, avec une sorte d'inspiration commune des chansons autour de l'amour, des hommes... Pourquoi cette inspiration-la alors qu'après vous avez exprimé d'autres préoccupations, plus environnementales, par exemple ?
- Je n'ai pas du tout la conscience de ça... Pour moi, l'écriture est un flot ininterrompu ou interrompu pour des raisons extérieures, mais je n'ai pas eu le sentiment de faire des choses dif-
ferentes...
- Vous avez exprimé ce que vous aviez envie d'exprimer au moment on vous l'exprimiez...
- Complètement ! Ce que vous me dites, ça correspond vraisemblablement au fait que, après ce quatrième disque, je suis allée vivre à la campagne, et j'y suis restée pendant treize ans. Donc, je n'écris pas les mêmes choses à la ville et à la campagne; quand on est à l'abri de tout, quand on sait qu'on va manger le lendemain, on n'écrit pas les mêmes choses que quand on n'est pas assuré de tout ça, c'est tout... C'est circonstanciel ! (rire) !
- Donc, à partir du moment ou vous êtes entrée chez PES, vous n'aviez plus d'autres activités annexes, vous ne faisiez plus que vos chansons ?

- Que mes chansons et les chansons pour les autres, pour Colin Verdier, pour Joel Rocher, pour des gens qui ont essayé avec plus ou moins de succès. Colin Verdier a eu une chanson qui marchait très fort : Avant l'heure, c'est pas l'heure. J'ai vécu d'une façon plus qu'honorable pendant un paquet d'années, grâce à mes droits d'auteur...
- Et à ce moment-là, on sent dans les chansons que vous avez une inspiration, une expression, plus sereines, et c'est curieux parce que ça se remarque autant dans les musiques que vous ne faites pas toujours, que dans les textes... Est-ce que vous avez une explication la-dessus ?
- J'ai arrêté de fumer d'abord, ça comptait ça aussi... J'ai vécu dans une autre ambiance, pas au même rythme, comme les gens qui sont partis traire des chèvres dans le Larzac ! Je n'ai pas trait de chèvres et je ne suis pas allée dans le Larzac, mais c'était une autre vie.
- Vous avez parlé de votre famille, de votre grand'mère. C'était une nouvelle source d'inspiration ?
- La mort de ma grand-mère m'a énormément touchée, et j'ai écrit cette chanson comme une nécessité, au moment où on peut commencer à en parler.
- Et cette nécessité, c'était vis-à-vis des autres on vis-à-vis de vous-même ?

- Vis-à-vis de moi-même. Dans les familles, chacun voit les autres selon son propre tempérament: j'ai écrit un bouquin sur ma grand-mère, je suis la seule à avoir ce regard-là. Ma mère, quand elle était encore vivante, l'a lu et m'a dit : " Oui, évidemment, c'était TA grand'mère... " Ma tante l'a lu et m'a dit : " Moi, j'aurais dit d'autres choses sur maman. " Je lui ai dit : " Oui, mais toi, tu aurais parlé de ta mère, moi j'ai parlé de ma grand'mère. " Ma sœur n'aurait pas écrit le même livre sur ma grand-mère, ma fille non plus, c'est clair... On ne fait pas ça pour sa famille mais pour sortir quelque chose qu'on sent devoir sortir...
- II y a eu ensuite les enregistrements chez Ibach. Pourquoi avez-vous eu envie de faire des reprises dans ce dernier disque chez Ibach ?
- Parce que Mémé Ibach me l'a demandé, c'est aussi bête que ça ! Je me suis dit : pourquoi pas ? et j'ai repris des chansons de mes débuts et d'autres qui avaient été chantées par Charles Dumont, Jean-Claude Pascal, Barbara...
- On arrive en 1981 et vous enregistrez votre dernier 45 tours...
- Il était dans la foulée de ce que je venais de faire... Je ne l'ai jamais considéré comme un dernier enregistrement. Je n'ai jamais eu de plan de carrière. Mais il ne faut pas oublier tout ce que j'ai enregistré pour les enfants, c'est entremêlé...
- Justement, j'allais vous poser la question: ces disques pour enfants, ils correspondent à quelle envie, à quel besoin, à quelle nécessité ?
- L'enfant m'a toujours habitée, fascinée et ces chansons, c'était ma manière de " remercier " pour tout ce que j'avais vu, lu, entendu lorsque j'étais petite, et qui m'avait touchée... J'ai fait ces chansons parce que je trouvais, exception faite d'Anne Sylvestre, le paysage de la chanson pour enfants d'une tristesse absolue et d'une imbécillité parfaite. Et je n'aime pas qu'on prenne les enfants pour des imbéciles !
- Et cette construction des disques, en mettant le play-back pour pouvoir raire chanter les enfants, c'était délibéré ?
- C'était venu à la suite de conversations avec des enseignants qui se retrouvaient professeurs de tout, y compris de choses dont ils ignoraient jusqu'au B.A.ba, la musique, par exemple ! Alors, pourquoi fausser l'esprit des enfants en leur ânonnant des trucs avec un guide-chant ou je ne sais quoi, et en chantant n'importe comment, parce que tout le monde n'est pas obligé de savoir chanter... Et beaucoup d'enseignants, de génération en génération, se sont retransmis ça : quand ça a été réédité sur CD, en 2001, des petites filles, qui devaient avoir 7 ou 8 ans, ont dit au garçon qui faisait la promotion du disque : " Je connais ça par cœur ! " C'est bien, là j'ai atteint un but ! J'aurais aimé écrire une chanson qui soit d'emblée considérée comme une chanson de folklore. D'ailleurs, on l'a faite par hasard avec Serge Franklin : Des grives aux loups. Cette chanson est chantée par des tas de chorales et sur les partitions de chorale, il est écrit.. " traditionnel " ! C'est superbe ! ça veut dire que vous étés rentrée dans l'histoire de la chanson...
- Apres 1981, qu'avez-vous fait comme autres activités ? A partir de ce moment-la, vous n'avez plus chanté...
- Non. J'ai eu de graves difficultés fiscales, imméritées... J'ai vécu pendant trois ans de rien. J'avais des copains qui m'ont prêté de l'argent, que je leur ai rendu, ou qui m 'en ont prêté à fonds perdus. Des musiciens, Jean-Claude Pascal, notamment... Je ne cite pas les autres parce qu'ils sont vivants. Et puis j'avais un copain qui tenait un restaurant dans la région ou j'habitais. J'allais y faire des extras, servir les communions, les baptêmes, les soirées couscous, etc. .. et je vivais avec les pourboires car tout ce que j'aurais pu faire d'officiel était saisi... Quand c'est comme ça, on est bien obligé de prendre le maquis ! J'ai eu une grâce présidentielle.
- Quand vos difficultés se sont résolues, vous avez pu prendre d'autres activités qui vous procuraient un revenu officiel...
- Je n'avais plus envie de ce métier de la chanson qui était devenu trop marketé. C'était devenu un métier de produit et, de plus, un métier de technologie et plus du tout un métier d' écriture. Donc j'ai fait autre chose...
- Et comment cela s'est-il produit ?
- Des opportunités qui se sont enchaînées, sans idée préconçue de ma part... J'ai retrouvé des gens qui m'ont proposé de travailler avec eux. Et on a travaillé sur le Festival international de la Mode, sur le lancement d'un parfum de Benetton, et par ce biais-la, j'ai rencontré des organisateurs de salons qui m'ont demandé de faire des journaux de communication pour eux. J'ai rencontré le directeur de l'époque de LSA qui était le premier grand journal de communication de la grande distribution.
- Et jusqu'a ce jour, vous continuez ces activites-la ?
- Oui. Elles ont changé de forme, j'ai créé avec une transfuge de LSA un journal qui s'appelle Faire Savoir Faire. Et depuis quelques années, j'ai monté ma propre structure et je fais de la communication orientée dans la grande distribution. J'écris des journaux, des catalogues, des choses comme ça… C'est un boulot dans lequel les rapports avec les gens ont au moins le mérite d'être clairs.
- Et vous avez continue à écrire des chansons ?
- Bien sûr !
- A chaque disque de Charles Dumont, il y a au moins la moitie des chansons qui sont de Sophie Makhno ?

- Quelquefois pratiquement tout...
- Dans tout ce que vous avez appris en écrivant, en rencontrant des gens dans le milieu de la chanson, ou en chantant des chansons vous-même, y a-t-il des savoir-faire, même implicites, qui vous ont servi après, ou bien est-ce que ce sont deux carrières étanches ?
- Rien n'est étanche ! J'écris... II y a des façons d'écrire qui sont différentes selon les sujets, selon le propos, selon à qui on s'adresse, mais je n'ai pas le sentiment qu'une chose m'ait servi à en faire une autre. Je crois que ce qui m'a servi aussi bien à écrire des chansons qu'à écrire des articles, des éditos, voire trouver des noms pour des produits, ça vient de ma propension à savoir me servir d'un papier et d'un stylo...
- Qu'est-ce qui vous a poussée à faire la réédition des chansons pour enfants, et ensuite la compilation de vos autres chansons pratiquement vingt ans après ?
- Comme j'ai la faiblesse d'écrire des tas de choses, quand une triple compilation de Charles Dumont a été demandée par Sélection du Reader's Digest à EMI, la personne chargée du fonds de catalogue chez EMI, qui s'appelle Jean Mareska, a pris contact avec moi pour écrire les textes de présentation de ce coffret de compilation. Et il m 'a dit : " Au fait, que sont devenues vos chansons d'enfants ? " - " Dans la mesure où il n'y a plus de vinyles, il n y a plus rien ! " - " Vous n 'avez pas envie de les réanimer ? " -" Mais bien sûr que si! " Qui répondrait non ? Et donc, on a " réanimé " ce répertoire.
- Et la compilation ?
- Dans la foulée des chansons d'enfants... Thierry Wendl, qui s'occupe de promotion, m'a dit :" Mais pourquoi ne sors-tu pas une compilation de tes chansons d'adultes ? " Les choses s'enchaînent comme ça, sans préméditation. En plus, ma fille me poussait à faire cette compilation. J'ai rencontre des gens comme Eric Toulis, qui m'y a, lui aussi, encouragée. Voilà... Comme dit l'autre, " poussée par les amis, tirée par les parents " ou le contraire (rire)...
- Et c'est cette compilation qui vous remet sur scène ?
- Oui, parce que c'est la même chose, un enchaînement de circonstances... Je n 'avais pas la moindre intention de refaire de la scène un jour, et par le biais des chansons d'enfants, Thierry Wendl m'a proposé de faire une émission de télévision. J'ai refuée. En revanche, lorsque Jacques Roussel-sur Fréquence Paris Plurielle - m'a demande de participer à son émission, j'ai accepté. Je me suis dit : " Au fond, on me demande de faire des choses, pourquoi ne les ferais-je pas déliberement ? "
- Et donc c'est de propos déliberé que vous avez envisagé de faire un tour de chant au Sentier des Halles pour soutenir la sortie de la compilation ?
- Tout à fait. Et j'espère contemporainement la sortie de ce que j'ai écrit sur ma grand-mère.
- C'est le seul livre, à part celui sur Charles Dumont, que vous ayez écrit ?
- Oui... J'ai d'autres choses sous le coude... Celui sur ma grand-mère, je l'ai écrit il y a un paquet d'années, mais je ne l'ai jamais sorti... J'ai envie qu'on me le demande ! (rire) Je vais aussi écrire des recettes de cuisine avec des circonstances autour. Je vais notamment faire un bêtisier avec tout ce que mes copains, amis, parents ont pu faire comme erreurs en essayant de reproduire des recettes qu'ils m'avaient vu faire ou que je leur avais données (rire)... Et je vais aussi raconter d'autres choses autour des plats. Voilà. Ce sera un livre de cuisine qui ne sera pas un livre de cuisine tout en étant un livre de cuisine !
- Au fond, quand vous vous retournez sur la vie que vous avez eue, quel regard portez-vous sur l'œuvre que vous avez faite ?
- Aucun ! Je n'ai pas l'impression d'avoir construit quoi que ce soit ! Mais je ne suis pas allée là où je ne voulais pas aller !

Propos recueuillis par FRANCOIS BELLART Revue "Je Chante!" Oct. 2003


sophie makhno sacemSacem - Revue Notes

"FEMMES, Histoires d'écrire (1), et autres lignes de vie", n° 153 paru en 1998.

SOPHIE MAKHNO: La femme aux deux visages

Personne n'a plus chanté les mots «amour», «femme» et «amant» que Charles Dumont: «Une femme», «Femme de ma vie», «La femme aux mille visages», «Pour une femme seule», «Toi la femme mariée», « La femme nue », «La femme-enfant», «Le visage des filles», «Ma mélodie, c'est une femme», «La fille de Jacob», «Léa», «Laetitia Borghi», «Lorsque Sophie dansait», «Marie-Trottoir», «Les chansons d'amour», «L'amour interdit», «Les mal-aimés», «Aime-moi», «Ta cigarette après l'amour», «Les gens qui s'aiment», ... Mais qui sait que derrière cette galerie de portraits, ces confidences à fleur de coeur, ces mots d'amour en 33 tours, on trouve aussi des paroles de femmes? Que les aveux de Charles sont aussi un peu ceux de ses auteurs, Sophie Makhno, Marie Casanova? Les mots des unes dans la bouche de I'autre, comme eut dit Gainsbourg.

«Ca tient du chat et de la rose...» chantait naguère Juliette Greco à propos de la femme, et l'on serait tenté d'ajouter que les femmes, comme les chats, ont plus d'une vie dans ce métier. Témoin Sophie Makhno, alias Françoise Lo, alias Françoise Marin, autre figure méconnue à l'illustre pseudonyme (un prénom de princesse et un nom d'anarchiste ukrainien : beau programme pour une révolution en douceur!) qui fut tour à tour institutrice, secrétaire puis secrétaire d'artiste (Anne Sylvestre, Barbara), chanteuse et femme de chanteur (Pierre Perret), directrice artistique, auteur-interprète, avant de devenir parolière attitrée du plus «masculin» des chanteurs, Charles Dumont, pour lequel elle vient d'écrire 10 nouveaux textes, dont «Pour une femme» et «C'est la femme qui tient le monde». Derrière le séducteur, cherchez la femme, comme dit le dicton, et derrière le compositeur la parolière qui, dans la foulée de Piaf, a contribué à relancer à la fin des années 60 notre gentleman-crooner et lui a écrit pas moins de 100 titres en 30 ans : «Une femme», «Ta cigarette après I'amour», «Une chanson», «Des gens qui s'aiment», «Le fils prodigue», «Lettre à une inconnue», «Les illusions perdues»... Alors, paroles de femme ou paroles d'homme? Des mots vécus, en tout cas, tailles dans le cœur de la vie par une femme de tête, à la plume acidulée qui, tout en restant toujours un peu en marge des sentiers et sujets battus, a écrit quelques jolies pages de la chanson d'amour contemporaine et se consacre également aujourd'hui à la presse professionnelle (Faire savoir Faire).

Chez Sophie Makhno, en effet, l'écriture ne s'est pas imposée d'emblée, mais elle est bel et bien passée par la vie, au filtre des émotions, au fil d'apprentissages que n'eut pas reniés son écrivain favori, Colette («Si j'avais été un homme, je n'aurais pas aimé vivre avec Colette, mais j'aurais aimé être Colette»). Si elle n'avait pas chanté Pierre Perret aux Trois Baudets dans les années 60, le temps de réaliser qu'elle n'était pas interprète dans l'âme, mais que les choses de la chanson la passionnaient pourtant «J'étais très mal à l'aise dans les mots des autres, il fallait que j'écrive les miens, mais je ne le savais pas », se serait-elle ensuite consacrée à la carrière des autres ? C'est pourtant en s'occupant pendant quatre ans des affaires de Barbara -une relation aussi riche qu'agitée- qu'elle se découvrit auteur «Ce que tu fais, ce sont des chansons», lui disait cette dernière et coécrivit plusieurs oeuvres avec elle : «Toi I'homme», initialement prévue pour Eva, «Septembre», («Quel joli temps»), «Sans bagages», «Tous les passants», «Les mignons». Belle école, qui n'empêche pas Sophie, alors redevenue Françoise Lo, son vrai nom, de cultiver sur le terrain son autre don, lI'instinct de découverte. Des 1964, elle anime en effet le Théâtre de l'Est Parisien, ou elle programmera aussi bien Paul Simon (pour la première fois en France) que Serge Gainsbourg, accompagné par René Urtreger et Michel Gaudry, Claude Nougaro, Serge Reggiani, Los Incas, Graeme Allwright. Puis elle entre en 1966 comme directeur artistique chez CBS ou elle travaillera pendant quatre ans avec Patachou, Gilles Vigneault (« Au début, il aurait presque fallu le sous-titrer!»), Michel Portal, Christine Sevres («qui aurait pu faire une carrière à la Marianne Faithfull»), Raimon, Colin Verdier, Stephan Reggiani («Le zip»), François Béranger («Tranche de vie», «Natacha»), auxquels elle fera faire leurs premiers enregistrements. Un métier jusque-là strictement masculin ou elle jouera les pionnières, avec Jacqueline Herrenschmidt chez Barclay : «Créer des artistes, les mettre au monde, c'est en fait un métier de femme. Pourquoi les hommes se réserveraient-ils le «droit de fabriquer des artistes qui vont d'ailleurs être achetés par des femmes?», et où il n'est pas facile pour une femme d'imposer des goûts différents. Ainsi Moustaki, Regglani, Higelin, Fontaine lui échapperont-ils de peu («Le comité d'écoute m'a refusé tout l'album du Métèque!»), et I'ironie du sort veut que Charles Dumont lui-même perde son contrat chez CBS quand elle en fait la « redécouverte».

«Charles, qui était artiste chez CBS, après avoir fait un 25 cm chez Pathé, avait demandé à travailler avec moi. A cette époque-là, plus personne ne voulait chanter ses chansons parce qu'elles étaient trop liées à Piaf - il en avait fait 30 pour elle, dont «Je ne regrette rien» et «Mon dieu» - et il n'était pas encore mûr pour faire sa carrière, composait un peu de musiques de films, etc. Quand j'ai écouté ses titres, je lui ai dit: «On ne peut pas enregistrer ça. Vous chantez des chansons populistes, vous faites ce que faisait Piaf, et ça ne vous va pas! Piaf était une petite bonne femme fragile avec une extraordinaire démesure, et vous, vous êtes un homme avec une voix du sud-ouest». Puis je lui ai donné un texte, «Ta cigarette après l'amour» (1967), sur lequel Barbara avait déjà mis une musique, mais trop noire, désespérée, et que j'avais donc « recupéré ». II m'appelle alors chez lui, rue de l'Odeon, et là, me chante notre chanson assis au piano, tranquille, sans effets, sans se lever comme il faisait sur scène. C'était ce qu'il falait faire : «Vous devez rester au piano, la jouer comme ça, en équilibrant votre interprétation avec l'accompagnement». Il ne chantait plus du tout de la même façon. Et ça a été le début de sa carrière de chanteur en même temps que de ma carrière d'auteur. Comme ces comédiens qui ont un emploi tardif, Noiret etc.. il devait arriver à maturité pour s'épanouir; trouver son personnage. Le comble - il me l'a avoué 20 ans plus tard - c'est que je n'ai fait que lui redire, sans le savoir; ce que Piaf avait dit pour le faire monter sur scène: «Si tu arrives à me convaincre moi en chantant au piano, tu convaincras le public!». Après elle, il ne savait plus ce qu'il devait chanter; puisqu'elle n'était plus là pour le lui dire. J'ai donc fait les quatre titres de son 45 tours, mais «La cigarette...» a été interdite deux fois en radio et en TV: d'abord en 1967 à cause de son sujet, et trois ans après pour cause de campagne antitabac! C'est Simone Veil qui nous a sauvé la mise! Après ce premier disque, nous avons en effet enregistré un album, «Intimité», que CBS n'a finalement pas sorti, rendant son contrat à Charles qui est parti chez Pathé avec ses bandes, au moment ou ça démarrait, et on a eu le Prix Charles Cros avec «Une femme» en 1973! Dans la foulée, je m'étais moi-même remise à la chanson, et j'ai enregistré deux albums chez CBS, deux chez RCA, un chez Sonopresse, un chez Ibach et un chez Lido-Musique, plus de nombreux disques pour enfants ».

Un singulier chassé croisé - une directrice artistique «déclenchant» un chanteur qui la révèle à son tour comme artiste - qui préfigure I'une des plus longues collaborations de la chanson (dans ce métier aussi, les amis et équipes de 30 ans se comptent sur les doigts d'une main) et I'une des seules mixtes -Alice Dona / Serge Lama les suivirent de peu-, avec, qui plus est, un thème de prédilection, l'amour, encore et toujours, sous tous les angles et toutes les coutures : « C'est le sujet qui lui va, le centre de sa vie, de son propre aveu, c'est la relation physique à la femme, l'amour sous toutes ses facettes et à toutes ses étapes, et en 30 ans de collaboration,je n'ai jamais parlé que d'amour dans toutes ses chansons, sauf une : «Une chanson», qu'il a d'ailleurs bien failli ne pas faire! Ni lui, ni son directeur artistique d'alors, Christian Hergott, n'en voulaient sur l'album «Lettre à une inconnue» (1977)! Heureusement, Monique Lemarcis de RTL y avait cru comme moi, elle a vraiment decidé de la carrière de ce titre, et ça a été son premier disque d'or, son grand retour à la chanson populaire ! Mais même le soir de la première, au théâtre de la Renaissance, il ne l'a chantée qu'à contre-cœur (rire)! Depuis elle ne le quitte plus! Et nous avons enchaîné avec «Les chansons d'amour».

Non contente de se tailler «la part du lion» dans les albums de Charles, décidément voué aux femmes depuis Edith, Cora Vaucaire, Una Margy, Colette Renard et autres interprètes, elle lui présente aussi un autre auteur femme, Marie Casanova (un peu comme Cris Carol présentera à la même époque Gaby Verlor à Mouloudji) qui lui écrit à son tour des chansons... d'homme (?): «Nous avons des tempéraments, des regards, des vocabulaires différents : elle est moins cérébrale que moi, mais c'est un vrai puits d'images, son écriture est fleurie... je n'aurais jamais pu écrire «Toi la femme mariée», «EIle» ou «Laetitia Borghi», en tout cas pas comme ça». Charles chantera également Marie Vouilloux et Mireille Parailloux, encore des femmes! Mais au fait, le secret du succès de Charles Dumont ne résiderait-il pas, outre ses multiples dons de musicien et chanteur, dans ce subtil mélange de sujets d'hommes et paroles de femmes, dans ce regard masculin sur I'amour d'autant plus apprécié du public feminin, auquel il s'adresse directement («Toi...»), qu'il émane justement... de femmes, mettant dans la bouche d'un artiste les mots qu'elles rêvent d'entendre ?

«La carrière de Charles est faite de malentendus, puisque ses plus grands succès sont tous des chansons de femmes: «Ta cigarette après l'amour» est une chanson de femme, écrite par une femme, initialement mise en musique par une femme (Barbara), et qui aurait dû être chantée par une femme. Sa première réaction à d'ailleurs été de la proposer a d'autres interprètes! De même seule une femme pouvait écrire «Je ne veux plus mourir pour toi». Et le public, essentiellement féminin, de Dumont dit : «Qu'est-ce qu'il écrit bien pour les femmes!» (rire). En tant qu'auteur je sais ce qu'il peut dire ou non, en fonction de son phrasé, et en tant que directeur artistique, ce qu'il peut, doit ou ne doit pas faire. Mais avouons-le, je puise souvent mes sujets dans sa vie privée, notamment en ce qui concerne les portraits de femmes. Charles, c'est un solitaire entouré !».

Entre Charles et Sophie, qui, comme dans la chanson, « se disent toujours vous «après tant de mots doux sur vynil (« On ne s'est jamais dit tu », remarque-t-elle, comme on trouverait un titre), c'est l'entente, l'accord parfait, une longue histoire d'amour professionnelle écrite a quatre mains, ainsi qu'en témoigne leur cuvée 98, avec « neuf chansons sur dix tournant autour de l'amour et de la femme, et même des chansons d'humour qui parlent d'amour» : «Charles a la mélodie au bout des doigts. Souvent, il m'en fait écouter une, je l'emporte sur cassette, j'écris des paroles, et après... il refait sa mélodie autour de mon texte, etc. L'inverse se produit aussi de temps en temps: «l'enfance chevillée au coeur», « Les amours impossibles ", « II se peut que je t'aime encore», «Je ne veux plus mourir pour toi» sont des textes que je lui ai remis. A mon avis, on fait plus une chanson avec des mots qu'avec des idées : c'est un peu comme en peinture, si on assemble des couleurs, il se passe quelque chose qui n'était pas forcément concerté, qui vient de loin. Je crois aux assemblages de mots, même si, pour être entendu par ses contemporains, notre vocabulaire est forcément limité. Il faut faire attention aux mots inusités dans une chanson. Moi, j'aime mieux le vécu que les choses écrites dans un bureau».

Des mots que, curieusement, la malicieuse Sophie, dont la presse soulignait naguère la «délicatesse acérée, la désinvolture barbelée» et les «chansons qui fleurent la bergamote moqueuse et la lavande tendre», comme des «légères histoires d'amour», n'a jamais écrits au feminin, à de rares exceptions près.

En chanson, les femmes ont longtemps porté sur elles-même un regard qui était en fait une vision d'homme. Souvenez-vous comme Barbara a choqué en écrivant «Je n'ai pas la vertu des femmes de marins» dans «Dis, quand reviendras-tu ?». Elle a osé assumer tout ce qu'elle était et le dire, mais a attendu longtemps avant de pouvoir le faire. Gréco aussi est allée au bout d'un chemin individuel et solitaire, mais sa liberté de comportement a été assimilée à un comportement d'homme. Avant elle, des femmes comme Mireille ou Marguerite Monnot ont apporté une touche particulière, moins d'abstraction et plus d'humanité, à la musique. Les mélodies de Monnot sont très incarnées, différentes, tout comme celles d'Alice Dona. Les hommes créent, imaginent, les femmes recréent, développent plutôt à partir de la réalité. Leur création, comme leur vie, est ancrée dans le quotidien. C'est pourquoi il n'y a pas de grand compositeur classique femme : plus on va dans I'abstraction dans l'art, plus on trouve d'hommes, plus on va dans l'émotionnel, dans le rapport au concret, plus on trouve de femmes, sauf quand on les a occultées. Je ne connais pas par exemple d'écrivain de science-fiction femme, il n'y a pas de Jules Vernes ou de Bradbury féminin. Dans le polar, oui, car c'est très réel, mais pas dans la fiction psychologique!

Mick Micheyl a été parmi les premières à introduire en chanson un propos féminin : « Si je te suis fidèle / c'est pas par amour / c'est que la bagatelle / compliquerait mes jours / sais-tu que faire des fredaines / c'est plus savant qu'on ne croît / Il faut du temps dans la semaine / Et aussi un beau gars / Et ceci dit sans reproches / Quand je vois tes amis / Je les trouve plutôt moches / Et surtout sans esprit ». Il fallait oser l'écrire. C'était une génération encore frustrée au niveau des mots, car on devait rester acceptable. Quand Anne Sylvestre écrit «Mon mari est parti», elle parle d'un fait de société, mais on ne peut pas encore analyser la relation femme / mari dans une chanson. En revanche, «Tiens toi droit», un de ses premiers titres, était comme un avertissement aux hommes sur le changement des rapports: elle disait que les hommes devaient être à la hauteur de tout ce qu'ils avaient raconté aux femmes pendant des siècles («Tiens-toi droit / Si tu t'arrondis / T'auras l'air d'une arche... Tiens-toi droit / Si tu t'arrondis / Jl'aurai l'air de quoi ?»)... Bien sûr les choses ont changé, mais je ne suis toujours pas satisfaite de la place qu'on fait aujourd'hui aux femmes qui écrivent, nous sommes au temps des mannequins, des propos anesthésiants, et puis... il n'y a pas plus machiste que les métiers de la musique! ».

Curieusement, je n'ai quasiment jamais écrit pour des femmes, à part Barbara et Eva. Même Gréco, qui est la féminitée incarnée et avec laquelle je devais travailler n'a pratiquement chanté que des écritures masculines. J'ai donc pris I'habitude d'écrire pour et avec des hommes: Charles Dumont, Gérard Lenorman, Jean-Claude Pascal, Colin Verdier... Le plus drôle, c'est que quand j'ai proposé mes textes à d'autres femmes, elles n'ont pas osé les faire : je suis arrivée vingt ans trop tôt, personne n'était prêt à entendre une femme dire ça, et l'on me répétait : «Tu parles de liberté sexuelle, ce n'est pas acceptable! ». Ma toute première chanson, «Je rêvais d'un homme» (1967), faisait d'ailleurs le tour de la question en une minute et demie : «Je rêvais d'un homme / Avec des épaules / Tous ils sont venus / vêtus de leurs gros pardessus / Moi dans les débuts, j'ai trouvé ça drôle / Oui mais aujourd'hui, les mannequins je n'en veux plus / Je retrouve partout de ces hommes en paille / Dans mon bénitier, dans mon lit, dans mon bétisier / Sans vous offenser je veux qu'ils s'en aillent…» De même, quand j'ai enregistré « Mon bel HLM» ou «Je te parle des roses», les radios nous ont jetés, parce qu'une femme ne pouvait pas dire des choses pareilles. Alors les chansons que j'aurais pu écrire pour des femmes, c'est moi qui les ai chantées! Néanmoins j'aimerais bien travailler aujourd'hui pour Enzo Enzo...».

On ne saurait trop inciter certains à lui faire signe : car derrière les chansons romantiques ou mélancoliques faites sur mesure «pour lui» (elle lui concocte actuellement une «chanson de rupture qui ne soit pas autre chose qu'une chanson d'amour; car on écrit toujours le circonstanciel, pas l'essentiel, sur la fin des relations amoureuses»), se cachent tout autant de titres acidulés écrits à la première personne, d'un coup de plume ou d'un coup de griffe, qui constituent le petit monde de Sophie, comme on disait de Suzy Wong, et gagneraient à être redécouverts, réédités ou réenregistrés. S'il fallait définir une écriture au féminin, toute en ambivalence et impertinence, avec un nuage de fantaisie, un doigt de sensualité, un soupçon de malignité et une larme d'irrévérence (Souchon parlerait de « chansons insidieuses »), ce pourraient bien être les mots de Makhno, pareils aux roses serties d'épines...
P.A.


sophie makhno vinylVINYL n°52 • Mai - Juin 2006: Sophie MAKHNO & Jean-Jacques Genevard : Evidente Complicité

J
e Me Fous D'Avoir Vieilli / Les Mignons / Moi Je Veux Bien / Si Ce N'Est Pas Moi / Ça Me Fout Le Vague à L'Ame / L'Orangerie / Esperanto / Bons Baisers Et Au Revoir / Ensemble / Quel Joli Temps / Ta Cigarette Après L'Amour / Sans Bagages.

CD MAK 2003003 -© 2006

sophie makhno vinylChère Sophie

Vous le savez, je fréquente vos chansons depuis près de quarante ans. Elles voisinent dans les rayonnages de mes neurones avec celles d'Anne, de Luce, de Danielle, de Pauline, de Juliette et de bien d'autres Véroniques. Mais elles y occupent une place de choix, car elles offrent d'une façon irremplaçable de quoi mettre en mots les sentiments qui jalonnent l'existence, de quoi exprimer le désir et la peur d'aimer, de quoi nourrir à la fois les anxiétés et les élans, de quoi connaître les femmes et les hommes et leurs relations teintées tantôt d'enthousiasme tantôt d'incompréhension, de quoi prendre le recul de l'humour, de quoi pleurer, de quoi rire, de quoi s'émouvoir, bref de quoi accompagner la vie. J'ai continué à écouter vos vinyles (reportés sur cassettes pour leur épargner un excès d'usure) même pendant ces longues années où votre voix avait disparu des radios et votre nom des bacs des disquaires. J'ai fulminé de constater que la revue qui se veut de référence ne vous a jamais consacré un seul article digne de vos chansons.

Et lorsqu'au début de ce siècle, après la réédition de vos chansons pour enfants (1), vous avez manifesté le désir de faire revivre vos autres chansons à la fois sur scène et par le disque, ce fut une nouvelle inespérée. A cette occasion, nous fîmes connaissance, et vous eûtes la hardiesse d'accepter qu'avec ma petite plume, je participe à ce retour. S'ensuivirent des journées inoubliables entre vos souvenirs, vos projets et vos délicieux petits plats !
Sortit alors en 2003 cette compilation (2) : quinze chansons sur plus de cent enregistrées, le choix avait été déchirant. Mais cet échantillonnage est bien représentatif de vos thèmes, de votre humour, de votre écriture, des musiques très populaires que vous avez su composer ou faire composer et de votre jolie voix dont les nuances s'expriment en creux d'un apparent détachement. Ce CD est vraiment celui qu'il faut acquérir toutes affaires cessantes pour vous découvrir ou vous redécouvrir. Puis, sur les scènes du Sentier des Halles, de l'Essaïon et d'ailleurs, entourée de musiciens complices, vous avez crânement repris ces chansons écrites quelque trente ans plus tôt et toujours tellement actuelles, tant est inamovible le labyrinthe des rapports et sentiments humains qu'elles explorent dans ses moindres recoins. Je vous laisse imaginer le plaisir de vivre cet improbable événement rêvé depuis des dizaines d'années !

Et aujourd'hui, comme si un bonheur en appelait automatiquement un autre, vous nous faites un somptueux cadeau : le réenregistrement d'une bonne douzaine d'autres chansons délicatement enveloppées par le piano ami de Jean-Jacques Genevard. Autant vous le dire, je tombe sous le charme de votre voix qui a gagné en subtilité ce qu'elle a perdu en tessiture et qui m'émeut jusqu'au fond de l'âme, et de vos chansons que je redécouvre comme à la première écoute dans leur nouvel habillage. Et ultime présent, un entretien d'une petite vingtaine de minutes où vous retracez l'histoire de ces chansons, et rendez un bel hommage aux musiciens qui en ont écrit les superbes mélodies : Barbara, Colin Verdier, Charles Dumont, Bernard Gérard, Jean Frédénucci, Michel Portal et évidemment Jean-Jacques Genevard. Ce CD qui enrichit le précédent, est une révérence à vos chansons, un message de confiance dans la vie et dans ses rebondissements, une lettre d'amitié à tous ceux qui vous apprécient ou vous apprécieront.

Ayant eu la chance d'être un des destinataires de cette correspondance, je voulais vous en remercier chaudement en résumant toute la béatitude qu'elle m'a apportée. Je souhaite à ce disque de faire du bien à beaucoup d'autres. Soyez assurée, chère Sophie, de mes définitifs sentiments amicaux.

François BELLART - Mai 2006
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1 -Au Pays Des Animaux (EMI 72435368182).
2 -Je Me Fous D'Avoir Vieilli (MAK 2003001).
NDLR : Les disques de Sophie Makhno sont disponibles sur
http:/www.sophiemakhno.com. On y trouve aussi à la rubrique
"presse" l'article de François Bellart pour "Je Chante !" n°29 d'octobre 2003, et à la fin du texte, en cliquant sur la case "Je Chante !", l'entretien qui accompagnait ce papier.


sophie makhno sacem Sacem - Revue Notes

Ecrire avec Barbara

Qu'est-ce qui fait qu'un artiste devient un jour lui-même, se reconnaît soudain dans le miroir du public, ou bien se perd de vue dans le labyrinthe de ses personnages? Qu'un Aznavour devient enfin Aznavour, un certain jour de décembre 1959 à l'Alhambra? Qu'un Ferré explose dix ans après à Bobino en patriarche anarchisant, qu'un Moustaki s'impose la même année en "Métèque" romantique au bout de dix ans de carrière, qu'un Lavilliers accoste sur les rives de la salsa après avoir quitté celles de la rive gauche, qu'un Brel tombe guitare et " soutane " pour enflammer les brumes du nord, qu'un Jonasz va rechercher le secret du blues au fin fond de son enfance, qu'une "Chanteuse de minuit" sort des ténèbres après dix-sept années d'anonymat doré, deux mille nuits noires et blanches à l'Ecluse... Ses années-lumière à elle, notre légende à nous.

Dans toute carrière, il y a en effet le moment, à ne pas rater, où tout bascule, s'enchaîne et se précipite, à la faveur d'une rencontre ou d'une chanson, tout comme il y a le disque parfait, et quand d'aventure les deux correspondent, le bonheur est intégral, l'instant quasi éternel. Seconde historique ou deux ombres de la vie deviennent sans le savoir des "Amoureux qui s'bécottent sur les bancs publics", une rupture amoureuse "Ne me quitte pas" ou "Comme d'habitude", une fenêtre entr'ouverte sur l'automne "La montagne", où deux vers anodins comme "Un beau soir ou peut-être une nuit/ Près d'un lac je m'étais endormie" rejoignent dans l'imaginaire collectif le fameux "Longtemps je me suis couché de bonne heure" de Proust. Chez Barbara, le grand virage a lieu en 1963, lors de son passage d'Odéon (CBS) à Philips, avec "Dis quand reviendras-tu " et " Nantes ", et se concrétisera l'année suivante avec un album (sans autre image de pochette qu'une rose: suprême élégance!) tout naturellement intitulé "Barbara chante Barbara" et qui aurait aussi bien pu porter un simple prénom devenu chanson: "Pierre" (ironie du sort: au même moment sort aux USA un album appelé " My name is Barbra " qui révèle une autre étoile montante ndlr). Dans ce disque à la rose figurent, outre la chanson éponyme, "A mourir pour mourir", "Au bois de Saint-Amand", "Nantes", "Le bel âge", suivis en 1965 de "Si la photo est bonne", "Septembre" (Quel joli temps), "Göttingen", "Toi l'homme", "Une petite cantate", "Le mal de vivre", "La solitude", et en 1967 de "Ma plus belle histoire d'amour", "La dame brune", "Les rapaces", autant dire le meilleur de Barbara en quatre ans et quatre albums, un peu comme, outre-Manche, les Beatles offrirent l'essentiel de leur oeuvre dans le même temps.

Une production d'autant plus pure et puissante qu'elle avait été longtemps contenue, étouffée, et prenait soudain la force d'un cri, celui d'une femme-auteur ouvrant littéralement la voie à plusieurs générations de créatrices, avec, par delà ses mots, un ton, un son de femme qui faisait de chaque chanson un message personnel, une confidence feutrée. Il n'est en effet pas indifférent qu'elle ait exorcisé ces années de mutisme, où elle " créait " les autres et s'interprétait sans trop le dire ("J'ai tué l'amour", "Chapeau bas") par un aveu, une confession chantée comme "Nantes", pas non plus indifférent que ses premiers vrais mots d'auteur en public aient été une prière à l'absent: "Dis, quand reviendras-tu?", et l'on notera au passage qu'elle débuta dans le disque en 1957 avec des paroles de femme: "L'oeillet blanc", de Brigitte Sabouraud, co-directrice de l'Ecluse (elle chanta aussi Angèle Vannier, Sophie Makhno, Catherine Lara).

Alors, qui mieux qu'une femme, témoin et actrice de cette spectaculaire mutation, pouvait évoquer avec nous ses arcanes, analyser l'avènement d'une artiste majeure qui n'en finit pas de nous parler de la vie au présent, qui nous fascine autant qu'elle nous échappe, et dont on publie en ce moment pas moins de quatre biographies, dont la sienne propre, largement consacrée à cette enfance méconnue? Sophie Makhno, qui s'appelait encore à l'époque Françoise Lô, fut en effet la secrétaire de Barbara, précédant dans ces fonctions Nadine Laïk et Marie Chaix, mais écrivit aussi avec elle. Elle se souvient et nous raconte ces années-là, où celle qui rêvait toute petite d'être "pianiste chantante" et se définissait comme "ni une grande dame de la chanson, ni une tulipe noire, ni un poète, ni un oiseau de proie, ni une désespérée du matin au soir, ni une mante religieuse, ni une intellectuelle, ni une héroïne", mais "une femme qui chante", devint néanmoins la première dame de la chanson française, symboliquement l'année-même où une autre dame en noir, plus connue comme interprète qu'auteur, disparaissait, tournant une page que les femmes écriraient désormais à la première personne. Piaf s'envolait, l'aigle noir commençait à poindre, pour clore en 1970 une décennie de toute beauté: le temps où nos radios avaient la voix sensuelle et suave de Barbara, nous parlaient avec ses silences, soupirs et sourires, de celles qu'on appelait encore dans les hymnes officiels nos soeurs et nos compagnes, des "femmes vues de l'intérieur".

Notes: Comment votre collaboration avec Barbara a-t-elle débuté ?
Sophie Makhno: J'ai travaillé avec elle de 1962 à la fin 1965: je m'occupais de son secrétariat, de ses affaires, et nous avons écrit plusieurs chansons ensemble, dont "Septembre" ("Quel joli temps pour se dire au revoir") et "Toi l'homme". Tout a commencé par un coup de fil: " Je sais que tu ne m'aimes pas, mais je veux travailler avec toi! ". Je ne sais pas pourquoi elle pensait cela. Et elle m'a laissé une semaine pour réfléchir. C'était à l'époque des "Mardis des Capucines". Moi, j'avais arrêté de chanter (sous le nom de Françoise Marin ndlr) et je m'occupais d'Anne Sylvestre à laquelle j'ai d'ailleurs demandé son accord.

Que représentait à l'époque Barbara, sur le plan professionnel?

Quand je l'ai rencontrée, elle n'avait pas encore assez de chansons à elle et faisait donc un spectacle en deux parties: une première avec les chansons des autres, Brel, Brassens, Datin, Xanrof, Braffort, dont elle " faisait du Barbara ", et puis les siennes. Et si les oeuvres de Brel était des chansons d'interprète, il fallait être forte pour s'approprier des chansons d'auteur comme celles de Brassens, "Pénélope", "La femme d'Hector" ou "La complainte des filles de joie". En ce temps-là, les vedettes des cabarets de la rive gauche étaient ignorées sur la rive droite, et elle avait une notoriété très marginale. En fait, elle "inquiétait", car cette femme en noir, qui n'avait pas la langue dans sa poche et chantait de drôles de choses d'une drôle de façon, ça ne ressemblait à rien d'existant! Elle avait pris la parole parce qu'elle ne trouvait plus de répertoire qui lui convenait, et puis les éditeurs privilégiaient alors les vedettes: elle s'était vu refuser "Les boutons dorés" au bénéfice de Jean-Jacques Debout, et l'avait d'ailleurs enregistrée après.

En même temps, Montand lui avait refusé "Le temps du lilas", et Colette Renard "Dis, quand reviendras-tu?"...

Oui, mais c'est Cora Vaucaire qui l'avait créée et enregistrée avant elle, puisqu'elle se produisait aussi à l'Ecluse. En fait, Barbara avait un public plutôt confidentiel, et cherchait une audience à travers des gens plus connus. Jusqu'à "Dis, quand reviendras-tu?", elle ne passait pas sur les radios, qui se préoccupaient surtout des yé-yés. Je l'ai donc rencontrée au moment où Claude Dejacques venait de l'arracher à Odéon (CBS) pour la faire signer chez Philips, en emportant avec elle "Nantes" dont la première version n'avait pas marché. Dejacques était plus à l'affut des tempéraments, des personnalités que des modes ou des courants musicaux…

Quel a été l'apport de Claude Dejacques à Barbara en ces années cruciales?

Il l'a littéralement fait naître, l'a amenée à se structurer elle-même dans une forme d'expression en studio que personne ne lui avait jamais proposée. Jusque là, quand elle quittait son piano de l'Ecluse, elle était très contrainte par les orchestrations, les indications des ingénieurs du son etc. Lui, il l'a comprise, et au lieu de la sortir de son atmosphère, il l'a laissée à son piano, et l'a entourée en séance de musiciens comme François Rabbath, puis Pierre Nicolas, Joss Baselli, Michel Portal qui improvisaient sur ses chansons... En fait, il lui a permis de jouer avec le micro, le piano, les musiciens, dans un décor encore plus intime qu'à l'Ecluse, lui a créé un espace de liberté où elle était chez elle, et elle s'est aperçue qu'elle pouvait faire passer à son public toute son intimité sur une bande enregistrée (du quatre pistes, à l'époque). Elle chantait carrément dans le noir avec juste ce qu'il fallait pour suivre, et puis avec des grilles d'accords, pas des arrangements écrits, et tout le monde improvisait. Les chansons ont donc eu plusieurs versions, ensuite on faisait des choix. Dans le cas de " Sans bagages " que nous avons écrite ensemble, elle a même cassé la gravure pour refaire le disque avec une autre version.

C'est un peu ce que vous avez fait vous-même quelques années après avec Charles Dumont. Ses chansons sont donc devenues des "climats"...

Elle a inventé un mode d'expression, qui correspondait parfaitement à sa propre définition d'elle-même: "Je ne suis pas une chanteuse, je suis une femme qui chante". Le plus bel exemple en est la chanson "Pierre" qui raconte l'histoire d'une femme qui attend un homme et où Michel Portal improvise vraiment au saxophone avec elle... Mais ce n'était pas si évident que ça. Quand nous avons terminé cet album, Louis Hazan, PDG de Philips, m'a dit: "On a signé ce disque, mais je ne sais pas ce qu'il faut en penser"...

A-t-elle tout de suite pris conscience de ce virage?

Elle l'a compris en découvrant... comment les gens la découvraient. Son problème a toujours été de recréer son ambiance, son intimité sur scène, d'où ses répétitions très longues pour " sentir le plateau ", son rapport particulier à son piano, aux loges, voire à son tabouret qu'on a transporté dans toute la France! Et il n'était pas question que quiconque s'asseoie dessus! En plus, elle était gauchère, son piano à queue était donc à l'envers sur scène, ce qui l'obligeait à exposer au public le côté droit de l'instrument, plus ingrat. Dans la salle, à Bobino, il y avait des places maudites, devant, où les gens voyaient ses pieds s'agiter sur les pédales (rire)! Cela modifiait aussi la position des musiciens autour d'elle.

A l'origine de ce changement, il y a donc des rencontres, mais aussi, j'imagine, des motivations intimes. Pourquoi soudain cette réussite après ces longues années de cabaret ?

Après toute cette attente, il y a eu dans sa vie des moments forts qui ont débloqué l'écriture, cette charge émotionnelle qu'elle portait en permanence. Car elle n'avait pas une démarche abstraite de créatrice: il fallait que ce soit ancré dans sa vie, ses chansons sont vécues, et il a fallu des choses déterminantes et très douloureuses pour que "ça sorte", comme un cri. Mais ses premières chansons, "Attendez que ma joie revienne", "Ce matin-là" etc, étaient tout aussi fortes émotionnellement, même si elles touchaient moins de monde. Si elle avait pu enregistrer "Ce matin-là" ou "J'entends sonner les clairons" -sur laquelle tout le monde s'est trompé- dans les mêmes conditions que la suite, ces titres seraient allés beaucoup plus loin. Mais ce sont toujours des histoires de vie, des chansons vécues. D'où d'ailleurs des situations inattendues: un soir, une dame vient lui dire que " Nantes " était superbe, mais qu'elle n'avait pas retrouvé "le petit sanglot qu'elle avait sur le disque". Et Barbara, placide: "Que voulez-vous, Mademoiselle, on ne peut pas enterrer son père tous les jours!" (rire).

"Nantes" est justement le détonateur de cette mutation, une chanson sur la "mort du père" qui a mis quatre ans à naître. Quel souvenir en gardez-vous ?

Elle n'arrêtait pas de la réécrire, même aux répétitions des "Mardis des Capucines" où elle devait l'interpréter. Je la revois assise dans la salle avec son paquet de feuilles et son feutre (c'étaient les premiers feutres) en train d'écrire et réécrire sur une douzaine de feuillets "Nantes" qu'elle allait répéter: elle en changeait un mot, une virgule, l'ordre des couplets. Elle faisait, elle défaisait, tricotait littéralement ses chansons. Il lui arrivait souvent de réécrire ou réinventer une chanson sur scène. Mais, même pour nos oeuvres communes, je n'ai pas vu naître ses chansons, à part "Sans bagages".

C'est elle qui vous a amenée à écrire ?

Non, mais à me rendre compte que ce que j'écrivais, c'était potentiellement des chansons. Un jour, je lui ai donné le texte de "Quel joli temps", qu'elle a mis en musique et qui reste notre plus belle chanson: le passage harmonique du couplet au refrain, c'est tout Barbara! Puis il y a eu "Les mignons", "Toi l'homme", "Tous les passants s'en sont allés", "Sans bagages". De temps en temps, elle ajoutait des onomatopées, comme si elle "n'arrivait pas à quitter la chanson". Elle répétait toujours: "La chanson, c'est une conversation".

Ensuite est venu l'album "Le mal de vivre" avec notamment "Une petite cantate"...

C'était pour elle une période difficile: Liliane Benelli, la pianiste de l'Ecluse avec laquelle elle avait composé, était morte à 26/27 ans dans le fameux accident de Serge Lama et du frère d'Enrico Macias. Nous avons appris cela à Chalon-sur-Saône, où Barbara chantait à la Halle aux Grains. La "Petite cantate" est dédiée à cette jeune femme. Le triomphe de Barbara ne fut pas un triomphe heureux, parce qu'il y eut d'autres douleurs comme celle-là dans sa vie, des suicides... Et puis, à chaque fois que quelque chose marchait bien, elle avait extrêmement peur de la suite, de ne pas rester à ce niveau. Il fallait alors la maintenir à bout de bras pour surmonter l'effet du succès.

Peut-être parce qu'il avait été long à venir? Elle avait aussi beaucoup de problèmes avec son physique, son image, alors que, curieusement, elle est magnifique sur les photos de l'époque...

C'étaient quand même les années Bardot, Marilyn, Martine Carol, et elle n'était pas dans les " physiques à la mode ", tout comme Marlène Dietrich détonnait au départ. Et bien sûr Gainsbourg, qui tourna d'ailleurs avec elle en 1965, mais pour un homme, c'est différent. Elle a eu un mal fou à s'accepter et à se faire accepter. Elle me réveillait à trois heures du matin pour me demander: "Et si je me faisais refaire le nez?". Et puis, elle avait beaucoup changé: quand je l'ai connue, c'était une grande femme plutôt grosse, et en 1962/63, au moment du premier album, elle a vraiment maigri.

Est-ce que les premières chansons d'Anne Sylvestre, avec laquelle vous travailliez aussi, lui avaient ouvert la voie ?

Non, Anne avait une écriture intellectuelle, et les intellectuels récusaient Barbara, car ils ne trouvaient pas ses chansons suffisamment écrites. J'avais un mal fou à la faire se produire dans les concerts des grandes écoles, par exemple. Si elle ne s'est pas exprimée plus tôt, c'est qu'elle avait le piano plus facile que la parole: l'expression musicale passait chez elle avant l'expression orale, elle trouvait des mots qui allaient avec des notes. Tout passait donc par le piano, qui était d'ailleurs lié à un choc terrible dans sa vie: sa mère, qui était joueuse, avait vendu un jour son piano pour payer ses dettes, et elle avait vu les déménageurs emporter comme ça son instrument !

A propos d'émotion, ses disques d'alors restent irrémédiablement liés pour nous à des mots comme la solitude, la nuit, l'insomnie. Qu'en était-il vraiment dans la vie ?

Elle était profondément et irrémédiablement solitaire, parce que très exigeante avec les autres, mais c'était une solitaire entourée. C'était un être composite, avec des hauts et des bas, en quête d'une sorte d'absolu, qui voulait ne jamais être décue et faisait de tout une affaire passionnelle. Quand je l'ai quittée, à la fin 1965, elle a vécu cela comme une trahison, menaçant même de ne plus chanter (rire)! Nadine Laïk, que j'avais engagée comme secrétaire, a pris alors le relai, avec Marie Chaix comme secrétaire particulière de Barbara, et je suis entrée comme directeur artistique chez CBS. Mais c'est aussi l'une des femmes les plus drôles que j'aie rencontrées: elle avait un humour assez ravageur, créait des situations qui n'engendraient pas la mélancolie! Par exemple, quand elle commençait à s'ennuyer dans un restaurant, elle s'inventait de temps en temps... un chien imaginaire qu'elle appelait Jean-Pierre! D'abord, elle laissait tomber ses couverts pour que le maître d'hôtel vienne les changer, et puis soudain, elle s'exclamait: "Jean-Pierre! Où est passé ce chien?", et se mettait à le chercher partout, suivie par tout le monde. Personne n'avait vu de chien, et pour cause: il n'y en avait pas! Ou bien, elle demandait à boire pour Jean-Pierre! Un jour qu'on s'était fait embarquer dans une réception après un concert à Rennes avec Serge Reggiani, et que manifestement tout le monde s'ennuyait, elle s'est mise à chercher le fameux Jean-Pierre au milieu des invités, Reggiani a commencé à ... faire le chien à quatre pattes et à aboyer, en attrapant au vol des cacahuètes, et on s'est tous défilés au milieu d'une assemblée franchement hostile!

Elle avait aussi la passion, voire la manie des objets, ce que Marie Chaix appelait son "bric à brac", ses lunettes, les boîtes de zan etc...

Et ses manchons! Barbara avait alors des manchons pleins de choses, comme cet objet en forme d'os pour réchauffer les mains des musiciens. Quand elle chantait quelque part, elle partait de chez elle avec des sacs incroyables, des quantités d'objets qu'elle installait dans sa loge, où elle vivait carrément. A son premier Bobino avec Brassens, elle avait même fait refaire sa loge! Et bien sûr, tout le monde y était interdit avant le spectacle ou pendant l'entr'acte. Mais c'est à Rémusat qu'elle s'est vraiment vraiment épanouie: je me souviens de pleins de petites boîtes qui contenaient toutes des mots d'amour qu'on lui avait envoyés...

D'autres souvenirs des "années Rémusat" ?

C'est elle qui m'a appris à soigner les roses coupées. Les fleurs qu'on lui offrait comptaient beaucoup pour elle (au contraire de Piaf ndlr): si les roses avaient souffert de la chaleur dans sa loge, elle les mettait une nuit entière allongées dans sa baignoire, les changeait d'au et les taillait tous les jours en biseau avec un rasoir. Puis, comme elle détestait s'en séparer, même fanées, elle les suspendait la tête en bas et gardait le bouquet sec pendant des lustres. C'est aussi elle qui a choisi mon parfum, le Mitsouko de Guerlain. Je le porte toujours".

Propos recueillis par Pierre Achard

Atypiques, passeuses et autres contrebandières

ACI: trois petites lettres un peu barbares qui ont changé depuis trente ans la face du disque, et ont permis aux filles de se rattraper en prenant la plume et la parole, après avoir chanté pendant des années celle des hommes au féminin. Jusque-là, Monsieur écrivait, Madame interprétait, et voilà pourquoi votre fille était muette, comme dit le proverbe. Mais parallèlement aux " pionnières " évoquées ci-contre, des années Barbara / Sylvestre / Hardy aux années Sanson / Lara / Belle / Mayereau, puis Farmer / Mas / Caplan / Tell / Foly etc. , et aujourd'hui Zazie / Maurane / Rivière and co, il est une foule de carrières de fonds, petits destins ou grandes ambitions, qui jalonnent la chanson féminine de ces trente dernières années. Les évoquer toutes est quasi impossible (il y faudrait un livre, à écrire d'ailleurs !), mais citons ici quelques figures "atypiques", qui, d'hier à aujourd'hui, ont creusé leur (micro) sillon ou brûlé les planches à leur façon, donné quelques lettres de noblesses au livre d'or du fameux " art mineur pour des mineures " prôné par Gainsbourg, en affirmant bien haut leur différence, qu'elles soient diseuses ou chuchoteuses, crooneuses ou amuseuses, rockeuses ou rapeuses.

Cas d'espèce comme Colette Magny, qui quitta à 36 ans l'Unesco pour débuter à la Contrescarpe (!), passer à la télévision avec le Petit Conservatoire (!!) et à l'Olympia 63 en première partie de... Sylvie Vartan (!!!), avec déjà à son actif l'œuvre de sa vie, "Melocoton", bouleversant negro-spiritual made in France. Après ces débuts spectaculaires (elle ne passait pas non plus physiquement inaperçue), elle poursuivit une carrière quasi expérimentale, sinon militante, tant sur le plan de la forme (chansons-montages, collages sur free-jazz) que des idées (textes sur Cuba, le socialisme, la révolution, reprises de Louis Labé, blues-actualités, concerts dans des usines pour les grévistes...), et fut sur de nombreux plans une novatrice, boudée par bien des médias. Ici, pas de différence entre personnage et (forte) personnalité, vie de femme (engagée) et vie d'artiste. Catherine Ribeiro, Mama Béa (Tékielski) s'inscriront à leur façon dans la même mouvance, avec des textes musclés chantés à l'estomac, des reprises de poètes (Prévert...) et d'artistes (toutes deux prêteront leur voix à Piaf), et feront parfois les frais de cette différence. Les passionnarias font peur dans la profession, même et surtout si elles la font bouger. Autre cas d'espèce, tant par son look que par son œuvre, Brigitte Fontaine, éternelle martienne du show-business, a fait aussi éclater les structures de la chanson classique en mêlant jazz, musique berbère et inventions verbales, et cultive depuis 30 ans la même folie douce, et la même fidélité à son compagnon de route et de musique, Areski Belkacem. Une ténacité récompensée puisque son dernier disque ("Genre humain") fut un événement.

Quant à Sapho, autre mélangeuse de genres devant l'éternel jaillie aussi du Petit Conservatoire et quasi inclassable, puisqu'elle est à la fois auteur, compositeur, interprète, romancière, dessinatrice, elle incarnera bien avant que cela ne soit à la mode le métissage des cultures (elle est au confluent de trois civilisations), des musiques et des mots (dont elle joue volontiers), créant un langage rock bien à elle, volontiers théâtralisé, qu'elle accompagnera d'un réel engagement de femme, sans céder au féminisme pour autant. Une superbe écriture nourrie des meilleures lectures, par-delà un look perçu par certains comme excentrique mais réellement original, dans un pays par trop cartésien où l'on aime bien étiqueter les artistes, et les individus en général.

Les mots, Juliette en raffole aussi, quand ils sont signés Pierre Philippe, ex-parolier de Jean Guidoni et réalisateur: avec son physique, son répertoire dans la grande tradition, elle tranche heureusement sur tous les us et coutumes du métier, faisant même ses débuts télévisés à... "Bouillon de Culture", mais cela lui réussit plutôt, puisqu'elle accumule Victoire, Prix Charles Cros et un beau succès scénique. Citons enfin dans cette galerie cosmopolite et talentueuse Françoise Kucheida, une fière nordiste dirigeant un cabaret à Liévin, qui publiera son premier album à... 50 ans chez Saravah, avec des reprises du répertoire, et décrocha aussi le Prix Charles Cros, signe distinctif entre tous pour un chanteur. Car toutes ces femmes de paroles sont à leur façon et à leur corps défendant, dans le conformisme ambiant du métier, d'"immenses provocatrices" comme eût dit Ferré, et l'on serait tenté de rajouter ici Anna Prucnal et Ute Lemper, petites cousines européennes de Diane Dufresne, des interprètes dont la démesure et la différence s'inscrivent dans la lignée des Marianne Oswald, Yvonne George... véritables recréatrices de chanson, à défaut d'être toujours auteurs.

De Magali Noël à Valérie Lagrange, de Gribouille à Danielle Messia, de Catherine Le Forestier à Lucid Beausonge, d'Anne Vanderlove à Marie-Josée Vilar, de Claire à Michèle Bernard, de Christine Sèvres à Jeanne-Marie Sens, d'Armande Altaï à Élisabeth Wiener, de Sophie Makhno à Louise Féron, de Véronique Rivière à Clarika, d'Élisabeth Anaïs à Élisabeth Depardieu et Elisa Point, la chanson féminine francophone regorge en effet de voix différentes, de plumes à part et de notes particulières, qui n'ont pas toujours trouvé LE public (comme on disait naguère), mais fort heureusement leur public (bien plus fidèle), et recèlent des trésors de verve, d'invention et à l'occasion de subversion insidieuse. Puisse le métier et les médias ne pas l'oublier (ou le redécouvrir), et donner un jour à toutes ces paroles de filles qui dorment, brillent parfois dans l'ombre et attendent leur heure dans nos discothèques, la place qui leur revient, en les rééditant et les rediffusant d'urgence.

Qui se souvient par exemple des "Réflexions d'un gros chat noir un mardi soir", superbe titre à la Lewis Carroll de Jeanne-Marie Sens (qui écrivit nombre de succès avec Jean-Pierre Castelain), des "Églantines sont peut-être formidables" d'Areski / Fontaine, des "Roses barbelées" de Gribouille, de "Mes bouquets d'asphodèles" de Marie Laforêt, de "L'île aux mimosas" de Barbara, du "Géranium" d'Anne Sylvestre pour ne vous parler qu'avec des fleurs de chansons dont les titres eurent d'ailleurs ravi Colette? La " chanson de femme " -tout sexisme mis à part -reste décidément un genre à redécouvrir d'urgence, avec -pourquoi pas ? -une collection particulière à inventer, où petits destins et grandes figures, passeuses de spleen, contrebandières du verbe et autres chanteuses buissonnières, se côtoieraient dans le plaisir des mots et le secret des nuances.

Muses, Egeries, Pygmalionnes

Si la femme est, selon le poète, l'avenir de l'homme, elle est encore plus souvent le quotidien du poète, tour à tour muse, égérie, découvreuse, amante, et même parfois mante religieuse, lorsqu'elle s'en va taquiner d'autres plumes sous de nouvelles lunes. Il n'empêche: dans l'imaginaire collectif, pas plus de Joseph Von Sternberg sans Marlène Dietrich, d'Aragon sans Elsa, de Dali sans Gala, de Serge sans Jane, de Gary sans Seberg, de Vadim sans BB, de Sartre sans Beauvoir, de Renault sans Barrault, De Renaud sans Gasté que d'Orphée sans Eurydice, même si certaines "moitiés" se sont faites formidablement discrètes (cf. Brassens et Püpchen) ou ont été éclipsées par la carrière qu'elles avaient contribué à construire: cf. Eddie et Nicole Barclay. Rappelons simplement ici celles qui, par-delà leur propre chemin de chansons, se sont employées à révéler d'autres artistes: Patachou, qui interpréta et lança Brassens en 1952 dans son cabaret de la Butte Montmartre (où elle découpait aux ciseaux les cravates de ses clients fortunés!), Renée Lebas, qui, parallèlement à sa carrière, révéla Serge Lama et Régine, Michèle Arnaud, récemment disparue, qui en fit autant dans ses disques avec les auteurs que dans ses émissions avec les chanteurs ("Chez vous ce soir", "Les Raisins verts" avec Averty), en promouvant quelques iconoclastes comme Boby Lapointe ou poètes comme Guy Bontempelli, Sophie Makhno, évoquée plus loin, qui " redécouvrit " Charles Dumont, Mya Simille, dea ex machina de Dick Rivers, et, bien sûr notre mère et grand-mère à tous, Mireille qui disait reconnaître les artistes " à l'œil " et passa tant de talents en herbe (Françoise, Alice, Claude, Michel, Pascal etc. ) au filtre de ses émissions qu'on lui doit une bonne partie des vedettes contemporaines.

Certaines, évoquées plus loin, en firent même profession, de Monique Lemarcis (qui eut, entre autres multiples coups de cœur, une véritable intuition de Julio Iglesias) à Denise Glaser, bonne fée de Barbara et Catherine Lara, de Jacqueline Herrenschmidt produisant Renaud et Sheller débutants à Florence Aboulker propulsant Patrick Juvet à l'Olympia, de Rachel Breton éditant Jean-Jacques Debout à, plus près de nous, Varda Kakon révélant Dany Brillant. Sans parler des coups de foudre professionnels et de ces nouveaux pygmalions que furent Serge Gainsbourg, Michel Berger, et auparavant Loulou Gasté, avec leurs égéries et néanmoins moitiés...

On ne saurait enfin passer ici sous silence, fût-ce fugitivement, toutes celles qui, en choisissant un auteur ou compositeur, surent aussi bien l'inspirer que l'exprimer, et lui donner à leur tour la parole à la première personne: Patachou et Brassens, déjà cités, Catherine Sauvage et Léo Ferré, Juliette Gréco et Serge Gainsbourg, Béart, Brassens etc. , Pia Colombo et Maurice Fanon, Diane Dufresne et Luc Plamondon, tout comme, côté chanteurs, Mistinguett avait lancé Chevalier et Piaf Montand -voire Aznavour-, Madeleine Ferré son mari etc. Derrière le chanteur, cherchez toujours la femme: si une muse peut parfois en cacher une autre, il n'est sûrement pas d'artiste sans égérie, même secrète, pas plus qu'il n'est de ciel sans étoile, même filante.


"LA BARBARA QUE J'AI CONNUE":
Le Livre

http://www.lalalala.org/

Janvier 2007

Sophie Makhno, auteur et interprète, fut de 1963 à 1966 la secrétaire de Barbara, pour laquelle elle écrivit en outre cinq textes. En 2003, elle a publié un livre de souvenirs intitulé La Barbara que j'ai connue. On pouvait craindre qu'il ne s'agisse, comme souvent avec ce genre de livre, d'une tentative de profiter du rayonnement d'une vedette - sans compter le ton hagiographique qui compromet presque tout ce qui s'écrit aujourd'hui sur Barbara.
Rien de tel dans le petit cahier à spirales de Sophie Makhno, dont les anecdotes parviennent à faire revivre une femme écrasée par son propre mythe, ensevelie, embaumée au Panthéon des Génies de la chanson : des caprices, quelques sautes d'humeurs, l'amour du luxe et des bijoux (cependant elle n'hésita pas à en "jet[er] de très beaux dans une bouche d'égout à Lyon, parce qu'ils lui avaient été offerts par un homme qui n'était pas en grâce à ce moment-là")... toutes choses qui dévoilent une Barbara humaine. Et, merveilleux paradoxe, plus on s'approche de la femme, plus on est touché par l'artiste, comme rendue à la vie - très loin de tous les discours qui, cherchant à la glorifier (ou à la rabaisser d'ailleurs), nous en éloignent.
Les onze chapitres, parfois quelques lignes seulement, sont illustrés des belles - et rares -photographies de Jean-Louis Dumont (prises entre 1964 et 1966) qui échappèrent aux ciseaux de Barbara, et qui la montrent, elles aussi avec une fraîcheur inhabituelle et touchante, tour à tour mutine ou mélancolique, au piano dans son salon encombré, ou debout, une toque de fourrure sur la tête... La forme même du livre, présenté comme un cahier, la couverture noire et la simplicité du titre, en font une sorte de carnet de notes intimes, que l'on aurait dérobé pour la connaissance et le plaisir de quelques amateurs véritables, loin des grand-messes, comme des commérages. Barbara, qui avait tout de suite compris que sa jeune secrétaire ne serait jamais une adoratrice, lui avait lancé : "Je sais que tu ne m'aimes pas". Mais cette distance lucide et attentive n'est-elle pas la meilleure preuve d'amour ?

Didier Dahon
http://www.lalalala.org/


sophie makhno je chanteJe Chante! - N° 30 - Avril 2005

LIVRES

Elle l'avait dit, au micro de José Artur notamment (9 janvier 2002): "On m'a posé la question deux mille fois, je n'écrirai jamais un livre sur Barbara." A première vue, donc, elle s'est reniée. A première vue seulement: La Barbara que j'ai connue n'est ni une étude ni une biographie, encore moins une quelconque somme fouillant ces années 1963 à 1966 durant lesquelles Françoise Lo (le véritable nom de l'auteur) fut à la fois la secrétaire et la "femme à tout faire" - y compris des chansons - de Barbara.
Pour tout dire, à peine un livre. Un album de photos, plutôt: une trentaine au total, toutes plus émouvantes les unes que les autres, et signées du très talentueux Jean-Louis Dumont. Fidèle à sa parole, Sophie Makhno se glisse entre les pages de cet album, non pour nous faire entrer par effraction dans un passé qui lui appartient, mais pour nous en offrir comme une émanation, sous forme de courts textes, tout juste nourris de quelques anecdotes: Des bijoux, des parfums, des chaussures; Toi l'homme; En public, hors scène; Se sentir chez soi; Le butin de Barbara; etc.
Ce n'est pas même elle, mais son préfacier, Christian Eudeline, qui rappelle les cinq titres qu'on lui doit: Toi l'homme, Les mignons, Septembre, Tous les passants et, chronologiquement le premier de tous: Sans bagages. Cinq petits chef d'œuvre, coécrits avec Barbara. Les portraits saisis par Jean-Louis Dumont à cette époque l'ont été dans son appartement ou dans celui de Barbara, rue Rémusat, quelques-uns en studio, ou dans des salles de spectacle. Deux sont en couleurs: l'un "au piano", l'autre "à la toque", les autres en noir et blanc. Tous restituent la beauté de la chanteuse dans la plénitude de ces années soixante durant lesquelles elle accèda à la notoriété.
"J'ai oeuvré, en dépit de tout, à l'éclosion de Barbara", revendique Sophie Makhno. "Aujourd'hui, ensemble, nous faisons oeuvre de mémoire, avec l'humour et la tendresse, avec, par-dessus tout, le respect, et le silence sur ce qui doit être tu."
Le livre s'ouvre par un texte écrit en guise d'introduction à l'exposition "Il était une fois Barbara", présentée en 2001 à la mairie du XVIIème arrondissement de Paris par l'association "Les Amis de Barbara" ("un très beau papier sur elle!", selon José Artur) et se conclut (pour les exemplaires en souscription) par la reproduction de deux collages de Luc Simon sur pochettes de disques de Barbara, que l'on a pu voir lors d'une seconde exposition présentée en 2002 par la même association à la mairie du XXème arrondissement, "Barbara, femme-piano".
Sophie Makhno ne livre pas ses souvenirs en pâture à la rumeur publique. Elle offre aux amoureux de Barbara l'écrin précieux dans lequel ils reposent.

Bernard Merle


sophie makhno jukeboxJukebox

Actualités par Jean-William THOURY. N° 212 JANVIER 2005

"De 1963 à 1966, Sophie Makhno collabore avec BARBARA (1930-1997), assistante, parolière (5 chansons) et amie. De ses souvenirs, elle tire "La Barbara que j'ai connue", photos de Jean-Louis Dumont, conception graphique Sophie Lo, préface de Christian Eudeline (140 pages, reliure spirale - 35 € pc) - Makhno Infopro - 26 rue truffaut, 75017 PARIS )






sophie makhno platine Platine - Mars 2004

SOPHIE MAKHNO alias Françoise Lo, qui a managé Barbara au milieu des années 60 et a même signé quelques textes avec elle, a publié un livre « La Barbara que j'ai connue », suite à ses retrouvailles (orchestrées par Platine) avec le photographe Jean-Louis Dumont qui avait suivi la chanteuse de minuit de 1964 à 1966. Il en est né un superbe ouvrage de souvenirs agrémenté de superbes clichés de la Dame en Noir, et surtout mis en page avec beaucoup de goût par la fille de Sophie Makhno, Sophie Lo. Pour l'heure cet ouvrage ne peut être commandé que par correspondance, en écrivant à Sophie Makhno, 26 rue Truffaut, 75017 Paris.


Tele Magazine

N° 2563 du 18 au 24 décembre 2004

"LIVRES A OFFRIR POUR NOÊL"
Alain VAL

"LA BARBARA QUE J'AI CONNUE"
Biographie Sophie Makhno

L'auteur fut la collaboratrice de la chanteuse Barbara pendant plusieurs années.Elle raconte, au-delà de l'artiste, la femme qu'elle a connue et lui rend un magnifique hommage. L'ouvrage est illustré de trente photos inédites, prises par Jean-Louis Dumont, de 1963 à 1966.
MAKHNO INFOPRO 35 € ***


LE MIDI LIBRE
Novembre 2004
Ce petit opuscule noir est l'écrin d'un bijou : des textes lumineux de Sophie Makhno, auteur de chansons, ex-collaboratrice de Barbara et plus de 30 photos inédites de la « dame brune » signées Jean-Louis Dumont, concepteur de la première affiche de la chanteuse. Ce sont donc des intimes et des passionnés de la grande dame de la chanson qui lui offrent, si longtemps après, ce splendide hommage. L'écriture, pleine de souvenirs de Sophie Makhno, atteint un degré d'émotion rare qu'elle nous a fait partager à tout instant.
Livre-objet à commander au 01 43 46 2040.
Jean Charles Reix.


PARISCOPE – Paris – Ile de France
Du mercredi 24 au mardi 30 novembre 2004
Musiques
Livre
Après quatre ans de collaboration étroite et d'écriture commune avec Barbara, sa secrétaire privée Sophie Makhno lui rend aujourd'hui hommage à travers un livre. Agrémenté de plus de trente photos inédites, réalisées par Jean-Louis Dumont de 1963 a 1966, au domicile de la chanteuse, en studio et en spectacle, cet ouvrage comprend également dix photomontages originaux complémentaires conçus et réalisés par Sophie Lo.
« La Barbara que j'ai connue », 35 €.
Tribehou Editions.


France Dimanche

Semaine du 26 novembre au 2 décembre
Si Roland Romanelli a été proche de Barbara, Sophie Makhno a aussi été de ses intimes. Elle a en effet été son assistante et femme d'affaires, de 1963 à 1966

Mais Sophie Makhno était aussi chanteuse et auteur. Elle a d'ailleurs écrit les deux tiers des textes de Charles Dumont.
Aujourd'hui, elle publie La Barbara que j'ai connue, chez Makhno Infopro/Tribehou éditions, dans lequel elle se souvient des années qu'elle a passées au côté de cette femme pas comme les autres.
« J'ai « tenu » presque quatre ans au côté de Barbara, nous a-t-elle confie. Il fallait s'occuper d'elle constamment, la réveiller quand elle devait prendre le train, pour se rendre à un gala. Elle n'avait aucun sens de l'argent, et fort heureusement, au moment où nous avons travaillé ensemble, la carte de crédit n'existait pas ! »
Et quand Sophie Makhno dit qu'il fallait « s'occuper » de Barbara, ce n'est pas un vain mot : « Quand on entrait à son service, continue-t-elle, il fallait renoncer à sa vie privée, ce que je n'ai pas fait. Elle appelait à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Elle était capable de vous confier des secrets qu'elle regrettait ensuite, et vous menait un enfer pour tâcher de savoir si vous aviez bien tout oublié… ».
Mais, nous a expliqué Sophie Makhno, la véritable raison de leur séparation n'a pas été une mésentente d'ordre professionnel… « Ce qui nous a séparées, c'est la naissance de ma fille. Barbara ne pouvait pas avoir d'enfants… Plus tard, j'ai appris qu'elle avait songé à adopter un bébé. Ma fille est née avec deux mois d'avance. J'étais à bout de nerfs, c'est sans doute ce qui a provoqué la naissance prématurée de mon enfant. Le jour de mon accouchement, Barbara devait chanter à La Tête de l'Art. J'ai demandé à ma mère d'annoncer à Barbara que je ne pourrais pas l'accompagner au théâtre ce soir-là. Mais Barbara n'a cessé d'appeler la clinique ! Elle voulait me parler. Elle me faisait un terrible chantage : elle ne chanterait pas si je ne venais pas la rejoindre immédiatement ! J'étais en train d'accoucher, et il aurait fallu que je m'arrête d'accoucher pour lui plaire… »
Malgré cet épisode, Barbara n'a pas licencié Sophie Makhno sur-le-champ.
C'est quelque temps plus tard que le véritable drame a éclaté : « Elle est venue voir ma fille chez moi, dès qu'on a pu la sortir de la couveuse. Barbara avait acheté l'ours le plus grand qu'elle avait pu trouver pour ma fille, qui l'a adoré ! Mais après ça, elle a été incapable de rentrer chez elle, rue de Rémusat. Elle a passé la journée dans un café près de chez moi. La vue de mon bébé l'avait bouleversée… Elle ne tenait pas sur ses jambes. Elle était choquée. Selon elle, j'étais à son service, donc je n'aurais pas dû avoir de vie privée. »
Sophie Makhno n'a pas regretté d'avoir refusé à Barbara de devenir son esclave. Ses quatre années de bagne l'ont aidée à s'affirmer en tant qu'auteur. Elle chante de nouveau Salle Barbara, nom du cabaret du théâtre Essaion, à Paris.
Dominique Prehu


Paris Paname - Le Magazine Gratuit Parisien

Mercredi 10 Novembre 2004 N°1272

Le Coin des Libraires
LA BARBARA QUE J'AI CONNUE
Sophie Makhno

Assistante et femme d'affaires de la Longue Dame Brune de 1963 à 1966, Sophie Makhno a également écrit cinq chansons pour Barbara. Aujourd'hui, elle lui rend hommage dans cet ouvrage, illustré de photos inédites de Jean-Louis Dumont. « Que dire de Barbara, dans l'océan des mots qui ont cherché et cherchent encore à la raconter, à la traquer, à la définir, à la décrypter ? Qu'elle était tout, excessivement. (…) Autant dire qu'elle échappait et qu'elle échappera toujours à toute définition. »


Tele Poche

du 27 novembre au 3 décembre
L'actu de la musique par Daniel Beaucourt
"Music News"
* Collaboratrice de Barbara dans les années 60, Sophie Makhno dévoile "La Barbara que j'ai connue", un superbe livre-objet avec une trentaine de clichés signés Jean-Louis Dumont. (Ed.Makhno Infopro, 35 €)


sophie makhno presse


...dans les livres:

Charles Dumont Biographie Sophie Makhno Calmann-Levy - Livre - Janvier 2012

Non je ne regrette toujours rien [Broché]
Charles Dumont (Auteur)
Détails sur le produit

Broché: 256 pages
Editeur : Calmann-Lévy (25 janvier 2012)
Collection : Biographies, Autobiographies
Langue : Français
ISBN-10: 2702142729
ISBN-13: 978-2702142721

Présentation de l'éditeur:

« La jeunesse n'est pas une période de la vie, elle est un état d'esprit. » Le général MacArthur

Après trois entrevues ratées avec Édith Piaf, le 5 octobre 1960, la rencontre, la vraie, déroutante et décisive, se produit enfin. Cette rencontre-là est une naissance. En trois ans, il composera pour Mme Piaf quarante titres − un record −, dont ses plus beaux succès : Non, je ne regrette rien, Mon Dieu, Les Amants, Les Flonflons du bal, etc.

De ses jeunes années passées à Cahors, puis à Toulouse, Charles Dumont conserve un tendre souvenir. Attentif, son père sait étonnamment l'entendre et l'écouter. Alors que Charles s'ennuie à l'école, il lui insuffle l'enthousiasme pour la vie sans jamais s'ériger en moralisateur. À l'adolescence, « Charlou » monte à Paris, à la conquête du possible ! Promis à une carrière de musicien à la Garde républicaine, il voit son destin bouleversé : un accident l'oblige à renoncer à jouer de la trompette, son instrument de prédilection, mais pas à la musique qu'il compare à « une inconnue divine et surnaturelle. Un cadeau du ciel ». Des cadeaux, le ciel lui en offrira d'autres…
Biographie de l'auteur
Pour la première fois, Charles Dumont consent à évoquer une enfance jusqu'ici restée secrète, ses rencontres avec Bourvil, Tino Rossi, Luis Mariano, Jacques Tati, Dalida… pour lesquels il a composé, et Sophie Makhno, sa parolière. Il dévoile avec une élégante franchise ses rapports tantôt tendres, tantôt mouvementés avec Piaf…

 

Encyclopedie de la Chanson Francaise Sous la Direction de Gilles Verlant. Publication: Editions Hors-Collection 1997

Sophie Makhno Encyclopedie de la Chanson Francaise par Gilles Verlant Sophie Makhno Encyclopedie de la Chanson Francaise par Gilles Verlant

"Il etait une fois la Chanson Francaise - des origines a nos jours" de Marc Robine - Editions Fayard/Chorus - 2004

Il Etait Une Fois La Chanson Francaise, Sophie Makhno

Il Etait Une Fois La Chanson Francaise Sophie MakhnoIl Etait Une Fois La Chanson Francaise Sophie Makhno

 

 

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